jeudi 19 juillet 2007

Critique "Superman Returns"

Superman Returns
de Bryan Singer
2006

Paru dans la revue Séquences


Rien sous la cape


Après avoir remis sur les rails la franchise des Batman au prix d’innombrables efforts et de multiples changements d’effectifs, DC Comics s’est attelé sans surprise à remettre Superman sur les écrans. Juste retour des choses pour le pionnier des adaptations modernes de superhéros au cinéma – Superman The Movie, réalisé en 1978 par Richard Donner, fut effectivement le premier film à bénéficier d’effets spéciaux et d’acteurs de renom (Brando, Hackman), à engendrer sans surprise un box-office stratosphérique et trois autres suites discutables, 11 ans avant le Batman de Tim Burton.


Cela faisait bien 19 ans que l’homme d’acier n’avait pas mis les pieds au cinéma, et deux ans que Christopher Reeve, celui qui a donné le charisme et l’humour nécessaire pour s’intéresser un temps soit peu aux aventures du héros en collants bleus, a disparu. Il était devenu bien hasardeux pour DC Comics de commander une autre suite à cette série ringarde et répétitive : comment Superman pouvait-il encore prétendre aujourd’hui à faire battre le cœur des femmes et des orphelins, sevrés depuis une quinzaine d’années par le cynisme des Batman, X-Men et autres justiciers réhabilités d’une autre époque?


La question demeure entière au terme du visionnement de Superman Returns, une fausse suite et un demi-retour en arrière dans la mythologie du dernier survivant de la planète Krypton. Bryan Singer, plus fan que visionnaire, aura été encore plus fétichiste que Sam Raimi et ses Spiderman survitaminés en récupérant les éléments les plus symboliques de la matrice de Richard Donner – de l’animation du générique initial au thème musical de John Williams, de quelques scènes renumérisées où intervient Marlon Brando et l’architecture kryptonienne jusqu’à la présence de Lex Luthor) pour créer à la fois le chapitre le plus complet de la saga, et le moins original.


« Pourquoi la Terre n’a plus besoin de Superman », peut-on lire dès le début de ce nouveau film. C’est le titre coiffant l’article qui a permis à Loïs Lane, jadis la flamme de notre beau gentleman de l’espace, de décrocher le Pulitzer durant l’exode de cinq ans du superhéros, parti vraisemblablement purger une crise existentielle sur Krypton. De retour sur Terre, celui qui se fait appeler à la ville Clark Kent reprend sans effort sa place au Daily Planet et pourchasse à nouveau les méchants à Metropolis et de par le monde. Mince besogne! Malheureusement pour lui, Loïs a refait sa vie avec un autre journaliste et élève son petit garçon de… cinq ans (incidemment!). Lex Luthor, lui, réapparaît comme s’il n’avait jamais quitté le monde des filous mégalomanes, et se met en tête de bâtir un nouveau Krypton sur Terre, quitte à évincer définitivement une large partie de sa population.


On ne s’étendra pas sur les vieilles querelles et antagonismes qui continuent ici à régir la série avec le minimum légal exigé d’originalité. Luthor + kryptonite = Superman à l’agonie. Passé cet état de fait, le gros du travail de Singer consistait à dégraisser davantage la fluidité des interactions de son personnage principal en maximisant les effets spéciaux dernier cri plutôt qu’à rendre plus crédibles les sempiternels nœuds dramatiques des quatre autres films, à savoir comment Clark Kent parvient-il toujours à tromper tous ses proches sur sa réelle identité avec une simple paire de lunettes et du gel capillaire, ou bien comment Superman réussit-il à faire régner la justice partout sur le globe en même temps.


Contrairement au Christ, Superman peut résister aux balles et respirer dans l’espace, ce qui ne fait pas du personnage quelqu’un de bien humain avec qui le spectateur pourrait se comparer. Non, la mythologie Superman appartient bel et bien aux années de la dépression, à l’entre-deux guerre, avant que la télévision et le cinéma ne soient là pour faire de tout un chacun un héros à leur manière.


Superman Returns ne fait que réitérer cette chimère simpliste, capitalisant dorénavant sur une lucrative nostalgie que sur une nouvelle perspective qui aurait permis de réinterpréter le héros en bleu, jaune et rouge. Du reste, empêcher un Airbus de s’écraser ou soulever un amas rocailleux de plusieurs kilomètres hors de l’océan ne fait toujours pas de Superman un héros attachant, lui qui, sous les traits du nouveau venu Brandon Routh, a perdu sa langue et compose des mimiques tout droit sorties de l’interprétation de Reeve. Sentimentaliste et rétro à souhait, Superman Returns s’essouffle à véhiculer des idéaux déchus, d’abord d’une Amérique en quête d’un sauveur, puis des studios hollywoodiens qui, faute de grandes idées, s’en remettent à leurs fonds de catalogues pour redonner un tant soit peu de peps à leurs intérêts boursiers.


© 2007 Charles-Stéphane Roy