jeudi 19 juillet 2007

Critique "Three Needles"

Three Needles
de Thom Fitzgerald
2006

Paru dans l’hebdo ICI Montréal


LA MALADIE TOUS CONTINENTS UNIS

Film casque-bleu sur la SIDA, Three Needles a du souffle, de l’ambition et de l’empathie. Sous ses dehors internationaux, on a pourtant affaire à un film 100% canadien.


Alors que le cinéma intimiste du Canadien Thom Fitzgerald (Hanging Garden, Beefcake) peinait à s’imposer à l’extérieur de nos frontières, celui-ci a ouvert la machine à la faveur d’une œuvre épique (123 minutes), globe-trotter (trois continents) et glamour (Lucy Liu, Chloë Sevigny, Olympia Dukakis, Sandra Oh, Stockard Channing : pas des toutes-nues).


Three Needles met en scène trois récits sur les ravages de la contamination du VIH à petite et grande échelles. En Afrique du Sud, une missionnaire accepte de coucher avec un riche propriétaire terrien en retour d’importants investissements dans les soins et la prévention du sida auprès d’une communauté illettrée et superstitieuse. Dans la campagne chinoise, une contrebandière de dons sanguins est recherchée par les autorités après qu’un riziculteur et son fils aient été contaminés lors d’une transfusion. À Montréal, un jeune acteur falsifie ses tests sanguins afin de continuer à tourner des films pornos et ainsi subvenir aux besoins de ses vieux parents.


Contrairement à ce type de film par enchevêtrement, les histoires de Three Needles ne se recoupent pas inutilement, elles se complètent plutôt avec le souci d’exposer les conflits et paradoxes d’un virus qui ne sera jamais exclusif à une caste ou une région. Par trois fois, la notion de sacrifice vient remettre en perspective avec acuité notre responsabilité morale face au bien du plus grand nombre. Les personnages féminins de Fitzgerald savent très bien qu’il n’y a pas de solution sans implication personnelle, quitte à mettre de côté leur santé ou, peut-être pire encore, leurs scrupules.


Curieusement, le côté cinémascope de l’affaire (direction photo impeccable, extérieurs luxuriants, casting juste et appliqué) semble destiné au petit écran ; peut-être que le traitement épisodique aurait mieux été servi par un canevas hebdomadaire. Quoi qu’il en soit, il fait bon de voir que 25 ans après ses premières manifestations, le sida n’est plus démonisé et que les discours à son sujet ont gagné en complexité et en maturité.


© 2007 Charles-Stéphane Roy