vendredi 20 juillet 2007

Critique "A Killer Life"

A Killer Life
de Catherine Vachon et Austin Bunn

2006
Paru dans la revue Séquences

Le sous-titre de la seconde autobiographie de la Catherine Vachon, « Comment une productrice indépendante a survécu aux ententes et aux désastres au-delà de Hollywood » traduit bien le ton de cet ouvrage ambivalent, déchiré entre le désir d’informer, de divertir et de simplement en mettre plein la vue.


Lesbienne assumée, productrice des films les plus affranchis de l’Âge d’or des années ‘indies’ (1989-1998) aux États-Unis, travailleuse acharnée, Christine Vachon possède une feuille de route faisant la part belle aux réalisateurs débutants les plus prometteurs (Todd Haynes, Kimberley Pierce, Mark Romanek, Mary Harron), aux photographes dilettantes (Larry Clark, Cindy Sherman), aux acteurs-auteurs (John Cameron Mitchell, Ethan Hawke, Tim Blake Nelson) et aux vieux routiers buissonniers (Robert Altman, John Waters).


Complément et prolongement de sa première autobiographie Shooting to Kill parue en 1998 (et co-écrite avec David Edelstein), A Killer Life raconte entre l’anecdote et l’auto-citation le parcours d’une femme de terrain, pour qui convaincre et vendre relève autant de la tâche platement quotidienne ou de l’exploit familier que de la nécessité superstitieuse. Son livre abonde de commentaire sans détours sur les réalités d’une profession ingrate, épuisante et profondément gratifiante.


De son enfance dans les recoins de New York à la lumière d’un père photographe mort prématurément, Vachon ne s’épanchera pas longtemps, préférant s’attarder sur ses pulsions juvéniles de cinéma, ses premiers pas derrière la caméra et de sa rencontre déterminante avec Todd Haynes, qu’elle aidera d’abord par amitié à produire Poison, un succès inattendu sur les écrans marginaux américains. La plume de Vachon confirme une professionnelle pragmatique, réaliste et dévouée, dont les films furent mis au monde en jouant des forceps après plusieurs fausses couches.


La chronologie professionnelle de A Killer Life prend quelques pauses le temps de comptes-rendus détaillés sur des moments décisifs, comme l’appel devant la MPAA contre la cote NC-17 attribuée à Boys Don’t Cry, la course aux rendez-vous à Cannes ou les aléas de la production de Infamous au moment ou Capote, un projet rival sur l’auteur de In Cold Blood, triomphe dans les remises de prix.


Destiné autant aux cinéphiles qu’aux étudiants en production, A Killer Life dénote tantôt un académisme traîne-pieds, plus loin un appel au glamour inattendu, mais possède un sens du drame de dernière minute et du suspense insoutenable tout à fait à propos dans le rappel de ses péripéties les plus épiques et ses négociations de longue haleine. Il serait toutefois hasardeux de considérer cet ouvrage comme une référence pertinente aux apprentis producteurs, ne serait-ce qu’en raison des limites de son universalité (peu de films sont financés par des fonds privés à l’extérieur des États-Unis) et de la péremption de son approche, alors que la pratique se métamorphose rapidement chez la jeune génération d’indépendants.


New York: Simon & Schuster, 2006, 277 pages


© 2007 Charles-Stéphane Roy