jeudi 19 juillet 2007

Critique "Hard Candy"

Hard Candy
de David Slade
2006

Paru dans l’hebdo ICI Montréal


LE PETIT CHAPERON VOIT ROUGE

La chasse aux pédophiles est ouverte avec Hard Candy, faux film d’horreur redoutable. Entretien avec l’actrice Ellen Page, une adolescente tout sauf candide.


Jamais la torture n’aura été si sexy que ces dernières années. Au cinéma et à la télévision du moins, elle constitue l’aboutissement logique de genres à bout de souffle et d’idées. Hostel, le nouveau Texas Chainsaw Massacre, Audition, la télésérie 24Hard Candy est donc bien de son époque, mais contraste avec ses contemporains par son ambition même : flanquer la trousse aux pervers.


Du haut de ses 14 ans, la jeune Hayley donne rendez-vous dans un café à Jeff, un photographe de 32 ans, après avoir intensément flirté avec lui sur le web. Beau parleur au look BCBG, Jeff embarque Hayley dans sa Mini-Cooper, l’emmène dans sa maison hyperstylisée et lui fait entendre ses enregistrements MP3 pirates. Ravie comme une gamine, Hayley enfile les Screw Driver avec Jeff et semble vouloir négocier son pucelage. Il n’en est pourtant rien : Jeff est drogué à son insu et se réveille attaché à une chaîne, prisonnier de sa Lolita de toc. Commence alors une intense confrontation entre le prédateur et sa proie… mais qui est le prédateur, et qui est la proie ? Hayley soupçonne les déviances juvéniles de Jeff, qui, en retour, s’interroge sur les motifs de sa pubère gêolière – agit-elle par vengeance ou par fantasme sadique ?


Hard Candy titille et dérange. Huis-clos psychologique, film d’horreur et commentaire social tout à la fois, la première réalisation de David Slade, un photographe de mode devenu clippeur en vogue, bénéficie surtout d’une rare plus-value dans le cinéma d’épouvante : on ne sait jamais ce qui va se passer. Tourné en vidéo haute définition dans de modestes conditions, le film utilise une direction artistique léchée et des comédiens tour à tour opaques, opprimés, menaçants et exaltés pour mieux manœuvrer le spectateur où bon lui semble.


« Les personnages du film ne peuvent être catégorisés car on ne sait jamais si ce qu’ils disent est vrai, surtout lorsqu’il s’agit d’assurer leur défense ou d’expliquer leurs comportements, admet Ellen Page, jeune actrice néo-écossaise, avec l’assurance de ses 19 ans et de sa dizaine de rôles au cinéma. Je me suis beaucoup attachée à Hayley et je ne veux pas la juger ; en fait, son côté passionné m’attire et me rejoint dans ce que je suis.»


Elle a beau incarner une jusqu’au-boutiste morale, une vengeresse pour qui les traitements accordés aux pédophiles sont inadéquats, Page porte un soin jaloux à garder pour elle ses convictions quant à la manière dont la société traite ses déviants sexuels. « Mon but n’est pas de juger le système judiciaire ou les récidivistes ; tout ce que je peux dire, c’est qu’un adulte qui ramène à la maison une fille de 14 ans, ce n’est pas normal, balance fermement l’actrice. Et si le scénario du dramaturge Brian Nelson se fait tout aussi avare d’opinion à ce sujet, ça explique peut-être pourquoi l’auditoire est tant polarisé à la sortie du film, et pas seulement en terme de sexe ou d’âge.»


On pourrait certainement dénoncer les revirements poussifs de Hard Candy. Mais ne va-t-on pas spécifiquement voir ce genre de film pour se faire manipuler un peu plus ? Du moment qu’il y a consentement…


© 2007 Charles-Stéphane Roy