mercredi 18 juillet 2007

Critique "Brick"

Brick
de Rian Johnson
2006
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


NOIR OPAQUE

Il ne faut pas se fier aux apparences : même bourré d’ados, de drogue et de violence, Brick reste peu explicatif et farouchement anti-cool. Belle attitude.


Aux États-Unis, le cas Brick intrigue. On serait porté à croire que son étiquette de film « indie » pour ados primé à Sundance faisait de lui un objet prévisible ou mimétique, et pourtant, le premier long métrage de Rian Johnson fascine par son envie de mettre les genres à sa botte, de décevoir les idées toutes faites du spectateur pour mieux provoquer. Influencé par les romans policiers de Dashiell Hammett (« Le Faucon maltais »), Johnson transpose le monde inquiétant du film noir et les absolutismes propres à l’adolescence dans une école californienne où les parents et la police sont curieusement absents et crée ainsi un univers méconnu dans une communauté fortement typée. Pareille défiguration des repères du confort banlieusard n’avait pas été aperçue depuis Blue Velvet, parole de scout. Ajoutez un compositeur débutant inspiré (Nathan Johnson, mature et inventif) et on jurerait voir le début d’une œuvre.


Un ado observe le cadavre d’une étudiante blonde à l’entrée d’un égout municipal (non, ce n’est pas Laura Palmer). Sans loupe ni imper, il tente de reconstituer les événements qui ont mené à la mort de celle pour qui il entretenait timidement un béguin. Entre le directeur de l’école qui l’utilise comme délateur du trafic de drogues sur son campus et sa relation avec le Pin, caïd junior du coin (il vit chez sa mère !) irrité de voir son nez fouiner dans leurs affaires, notre outsider remonte taloche après taloche le fil du mystère jusqu’à une curieuse brique de coke, vague prétexte à toute cette opération.


Impressionnant mais inconsistant et difficile à aimer, Brick confirme aussi l’heureuse conversion de Joseph Gordon-Levitt, enfant-roi du sitcom « 3rd Rock From the Sun » devenu convaincant punching bag masochiste au grand écran (Mysterious Skin et maintenant ici). Pas barré pour deux sous (le film en a coûté à peine plus), Johnson dirige Gordon-Levitt et ses petits lascars comme si c’étaient des géants, filme un bled inconnu comme si ça se passait à Sunset Boulevard et, pour un, confronte véritablement des idées vagues avec des images claires. On le filera, celui-là.


© 2007 Charles-Stéphane Roy