jeudi 19 juillet 2007

Critique "Wah-Wah"

Wah-Wah
de Richard E. Grant

2006
Paru dans l'hebdo ICI Montréal

SOUVENIRS DU SWAZILAND

Wah-Wah : l’improbable biographie d’une famille réinventée


Avec plus de 70 rôles à son actif, Richard E. Grant a toujours rêvé de raconter son histoire et celle de son excentrique famille durant ses années d’adolescence. Fils d’un diplomate établi dans les colonies britanniques au Swaziland africain, Grant a compilé des notes sur son d’enfance et la relation amour-haine qu’il développa avec son père alcoolique et sa mère adultère. Wah-Wah, le premier film écrit et réalisé par Grant, dénote ce petit supplément de folie plus proche du fantasme que de la fiction et prend congé des biographies habituellement plus terre-à-terre.


Le Swaziland, pratiquement ignoré au cinéma, devient ici le décor d’une trépidante colonie prise entre un décorum chancelant et des prises de becs hautes en couleur. Le petit Ralph Compton supplie son père, un colonel irréprochable, de l’inscrire au pensionnat privé, découragé par les excès d’alcool et de rage de son vieux après que sa femme l’ait quitté pour un gradé supérieur. Trois ans plus tard, Ralph revient à la maison pour trouver son paternel au bras d’une Américaine dégourdie.


Au terme d’un apprivoisement confrontant, il entrevoit un avenir harmonieux et met à profit son intérêt pour les marionnettes en s’inscrivant dans la troupe de théâtre amateur du coin. Mais lorsque sa mère biologique revient rôder dans le voisinage, le whiskey fait à nouveau des siennes et l’espoir d’une famille unie s’amenuise au même moment où, autour d’eux, la colonie songe à l’indépendance …


Dans l’esprit de Stephen Frears ou du Butcher Boy de Neil Jordan, Wah-Wah envisage le passage à l’adolescence comme une chasse aux refuges, souvent fait de rêves, mais quelquefois aussi peuplé de figures marquantes, comme une belle-mère courageuse, un pote frondeur ou un professeur éclairé. Voir Gabriel Byrne esseulé, Richardson en mère indigne, Emily Watson et ses expressions pèquenots ou Nicholas Hoult (le gamin d’About a Boy) en ado fier et fragile nous rappelle humblement que si toutes les familles sont éclatées, elles n’en demeurent pas moins uniques.


© 2007 Charles-Stéphane Roy