jeudi 19 juillet 2007

Critique "Le prix de la paix"

Le prix de la paix
de Paul Cowan
2006

Paru dans l’hebdo ICI Montréal


LOBBY VERS L’HORREUR

Tandis que le Congo pleure ses morts, l’ONU panse ses plaies et le reste du monde regarde CNN. Le prix de la paix corrige le tir, sans militantisme.


L’ONU est-elle encore dans le coup ? Voilà la question que lance le documentaire Le prix de la paix, en posant sa caméra dans le siège new-yorkais de l’organisme et aux alentours de Bunia, capitale de la région congolaise de l’Ituri et siège de plusieurs massacres ethniques depuis cinq ans. Trois millions de citoyens ont péri sous les machettes des clans de cette région de la République démocratique du Congo (RDC) située à l’est de Kinshasa, où font rage des combats entre factions pour contrôler l’exploitation de diamants. La plupart échangent armes et nourriture à des enfants contre une participation dans leur milice ; pour survivre, il faut savoir tuer.


En 2003, la RDC se dirigeait péniblement vers sa première élection démocratique nationale, dont le bon déroulement s’avérait crucial aux yeux de l’ONU, accablée de toutes parts après ses déboires du Rwanda et de Srebrenica. Mais les Étatsuniens et le reste du monde ont une fois de plus détourné les yeux vers l’Irak, estimant que la question congolaise relevait des services français, que Chirac n’avait pas assez coopéré dans le regroupement mondial post-11 septembre et que, forcément, qu’il devait se débrouiller avec ce dossier. Au diable les bijoux, il faut sauver l’or noir plus au nord.


Paul Cowan, qui avait vivement impressionné les troupes avec son documentaire Westray, a souvent démontré qu’il préférait fourrer son nez là où ça sentait le trouble – le droit à l’avortement (Democracy on Trial), la chute du multimillionnaire Robert Campeau (Double or Nothing), l’industrie du sexe (Give Me Your Soul...). Le cinéaste a filmé durant deux ans les tractations politiques qui ont échoué à maintenir l’ordre en Ituri selon une méthode qu’on croyait proscrite à l’ONF depuis quelques années : narration impériale, musique surdramatique, images choc, point de vue flou… Ce qui est dommage, vu l’acuité du cinéaste, sa proximité inouïe avec les onusiens et notre méconnaissance du sujet, inépuisable, mais combien plus agrippant dans Shake Hands with the Devil : The Journey of Roméo Dallaire.


© 2007 Charles-Stéphane Roy