jeudi 19 juillet 2007

Critique "Something Like Happiness"

Something Like Happiness
de Bohdan Sláma
2006

Paru dans l’hebdo ICI Montréal


SORTIR LE HLM DE L’HOMME

Something Like Happiness montre avec charme et spontanéité comment les démunis se relèvent de leurs rêves déçus.


Malgré ce que son titre peut laisser présager, Something Like Happiness a des airs de lendemains de veille. Les mines des personnages y sont souvent basses, les rêves semblent inatteignables et l’ironie est en voie d’axphysier tout espoir. Pourtant, à force d’enjamber les embûches et d’affronter la morosité, les personnages prennent du muscle et conjurent la précarité de leur condition. Si Wild Bees, le premier film du réalisateur tchèque Bohdan Sláma, s’encrassait dans la misère en en redemandant encore, Something Like Happiness, sacré meilleur film à San Sebastian et au FNC, travaille plutôt une brèche où peut encore pénétrer à force d’ardeur un peu de lumière.


Carte postale de fin du monde, la région du Jardin de bohème, sorte de dépotoir minier sous les Bolchéviques, est devenue un parc de logements sociaux où s’enclavent les exclus du capitalisme naissant. Parmi eux, trois amis d’enfance tentent d’apprivoiser l’âge adulte en considérant un ailleurs meilleur. Tandis que le timide Tonik s’acharne à convaincre sa famille casanière d’investir la ferme désolée de sa tante exhubérante, Monika se fait refiler les deux jeunes enfants de Dasha, jeune mère constamment en vadrouille, en attendant de rejoindre son fiancé parti s’établir aux Etats-Unis. Le destin a, bien entendu, d’autres plans pour eux : alors que Dasha se fait placer en institution psychiatrique, Tonik propose de prendre soin de ses enfants dans le but de se rapprocher de Monika après que celle-ci ait cédé aux pressions de ses parents de poser ses valises.


Porté par une photographie toute en nuances, un jeu naturel d’acteurs allumés et les aléas d’un scénario à la fois souple et riche en frictions, Something Like Happiness est tout sauf télégraphié. Sans tomber dans le capharnaüm à la Kusturica ou l’humour pince-sans-rire de Kaurismäki, Sláma sait dérider avec quelques artifices et un léger cabotinage les malheurs et les hésitations des laissés-pour-compte et provoquer des moments d’une bienveillante justesse relationnelle. Comme une bonne vodka, le film fouette les sens et réchauffe le cœur.


© 2007 Charles-Stéphane Roy