jeudi 19 juillet 2007

Critique "La rage de l’ange"

La rage de l’ange
de Dan Bigras
2006

Paru dans l’hebdo ICI Montréal


J’AURAIS VOULU ÊTRE UN…

Chanteur ? Compositeur ? Acteur ? Réalisateur ? Dan Bigras réclame toutes ces compétences dans La rage de l’ange. C’est un peu beaucoup pour un 1er essai.


Impliqué dans plusieurs disciplines et autant de causes, Dan Bigras dégage la compassion, l’entêtement et le sens du rassemblement. On peut ne pas aimer sa voix, sa bouille ou sa manière, reste que son dévouement envers le sort des mal-pris et des fauchés mérite le respect. Le Show du refuge, on comprend et on salue. La rage de l’ange… là, on pousse le « message » et le bouchon un peu trop loin. Entre être omniprésent, touche-à-tout et polyvalent, il y a une nuance importante que le film confond. Si Bigras n’a qu’une intention, celle de plonger notre nez dans la grande flaque de la misère adolescente que nous avons pris l’habitude d’éviter sur la rue, il en fait un Vincent Gallo de lui-même et squatte tout l’espace.


Trois enfants d’une banlieue se retrouvent dix ans plus tard dans la rue au centre-ville de Montréal. À la loi de la rue, Bigras impose celle de la corrélation filiale : Lune se prostitue parce que son père l’aurait violée, Francis se bat parce que le sien le corrigeait à la maison et Éric dessine des graffitis d’ange pour oublier que ses vieux n’acceptent pas son homosexualité.


La rue, comme ailleurs, a ses figures classique et le film, pour « faire vrai », se les approprie sans jamais les réinventer – la pute au grand cœur, ces salauds de souteneurs, le gang de latinos, les Pape, Deux-Faces, Gros Sale, Manoloco, Doctor Love et Bee-Bee-Bad-Bitch pompés aux sacres colorés et aux menaces ridicules, la travailleuse sociale qui en a vu d’autres… on pourrait deviner leurs traits les yeux fermés. Autre inconfort : la teneur des dialogues. Bigras a pris l’habitude d’asseoir son discours rédempteur dans des paroles de chansons où tendresse et attitude se font des bines. Au cinéma, c’est la même histoire : les personnages de Bigras ne se parlent pas, ils déclinent une espèce de poésie, lourde et irritante à l’oreille.


Mais le plus grand malaise que provoque le film vient de cette petite morale paternaliste que tout le monde fait à tout le monde, mêmes les toughs aux patofs. Là où la détresse de Kids se faisait réellement film, les fausses péripéties de La rage de l’ange sont sans cesse réprimées sous les forceps de la conscientisation.


© 2007 Charles-Stéphane Roy