jeudi 19 juillet 2007

Critique "Metal: A Headbanger’s Journey"

Metal: A Headbanger’s Journey
de Sam Dunn, Scot McFayden et Jessica Joy Wise

2006
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


MANGE TA CHEVILLE

Le doc Metal: A Headbanger’s Journey joue du coude entre le sérieux et l’inconcevable de la musique de poils. Instructif sans être trop heavy.


Si la musique heavy se subdivise en un nombre absurde de sous-genres, ses adorateurs (appelons-les affectueusement les « métaux »), eux, ne se rapportent qu’à deux types de fratries : ceux qui carburent au côté primal de l’affaire pour se sentir encore dans le coup (pensez à FUBAR) et les autres, encyclopédies ambulantes qui ont déchiré leur drapeau de Metallica à la sortie du Black Album. Sam Dunn appartient définitivement à la seconde race : accusant la jeune trentaine les cheveux aux épaules, cet ex-headbanger de Vancouver a voulu aller au bout de sa passion avec l’ambition d’être le Diderot de son genre bien-aimé. Metal: A Headbanger’s Journey parcoure ainsi l’Amérique du Nord et l’Europe à la recherche de l’essence métal et de ses origines en relevant des paramètres méthodologiques chez les fans, comme leur pays, leur classe sociale, leur sexe et leur culture d’origine.


Dunn l’anthropologue fait ainsi le pont entre Black Sabbath et le Black Metal norvégien, des excès des ramifications extrêmes aux prouesses pyrotechniques en passant par les kétaineries du spandex rock pour aboutir sur le Wacken Open Air, la grand-messe annuelle des métaux de toutes allégeances. Ce qui n’empêche pas pour autant Dunn le fan fini d’aller s’agenouiller en cours de route aux chapelles de ses idoles – ses entretiens avec Bruce Dickinson (Iron Maiden), Rob « White » Zombie, Alice Cooper, Dee Snider (Twisted Sister), Geddy Lee (Rush), le diminutif Ronnie James Dio, Lemmy Kilminster (Motörhead), Vince Neil (Mötley Crüe) et feu Piggy (Voïvod) ont le mérite de donner tribune aux agents du culte sur leur impact autant comme sommité qu’animaux de foire.


« Le projet m’a permis sans aucun doute d’approfondir ma connaissance du métal, mais aussi le rôle que joue cette musique et son iconographie sur les fans, les adolescents en particulier », a admis Dunn, qui a profité de son passage au FNC 2005 pour dissoudre quelques préjugés. « La rébellion mêlée au besoin d’appartenance mènent à l’écoute du métal, mais en vieillissant, la puissance de cette musique prend souvent le dessus sur l’imagerie et les paroles. Quoi qu’il en soit, je vais encore écouter « Master of Puppets » à 70 ans !, s’exclame sans gêne aucune le vétéran headbanger. Je crois que le métal appartient surtout à l’underground. Tout ce qui a fonctionné sur les palmarès est exceptionnel ; autrement, la communauté métal reste assez dispersée. En Europe, c’est toujours la folie. Au Canada aussi, et particulièrement au Québec », a remarqué l’expert.


Et dans la vie post-moderne comme dans les arénas, le métal évolue en déclinaisons et en complexité : désormais des groupes comme Fantomas, The Darkness et Fucking Champs proposent des interprétations métal au second degré. Est-ce que le heavy est à se mordre la queue ? « Une autre génération de fans s’adonne à d’autres types d’écoute, estime Dunn. Le métal va durer, mais je crains surtout que la mondialisation ne vienne aplanir le genre vers une seule orientation. » Si tel cas se produit, on pourra toujours compter sur Maiden pour entonner : « Tell them why they have to be powerslaves… »


© 2007 Charles-Stéphane Roy