mercredi 18 juillet 2007

Critique "The Edukators"

The Edukators
de Hans Weingartner
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


esprit-décor dans le monde matériel

The Edukators se veut jeune, politisé et altermondialiste. Encore faut-il savoir formuler un discours convaincant. Rejoint en Allemagne, le cinéaste Hans Weingartner nous fait part de ses revendications.


La révolution domestique que prône le clan du cinéaste Hans Weingartner, idéaliste trentenaire d’origine autrichienne, cherche à secouer l’élite en pénétrant derrière ses grillages, ses caméras de surveillance et ses détecteurs de mouvement afin de reconfigurer les biens et le mobilier des nantis… c’est tout. Comme type de protestation, on a déjà vu plus déstabilisant ! Pour ce faire, Weingartner a recruté un bataillon de choc issu de la relève du cinéma allemand et des récentes couvertures de magazines à la mode. Plus facile d’adhérer à ces facéties revendicatrices quand on aligne Daniel Brühl (Goodbye Lenin!) et sa gueule de gendre idéal, Julia Jentsch (Der Untergang) et Stipe Erceg, que l’on verra bientôt dans L’annuaire. « Le trio est débrouillard, sexy et débonnaire; il pourrait facilement gravir les échelons de la société capitaliste, mais la soif de justice et d’équité ont plus de sens à leurs yeux, reconnaît Weingartner. Ils méprisent le luxe, les mensonges et la passivité de leurs pairs, ce qui les incitent à affirmer davantage leur engagement social par tous les moyens, même illégaux. »


Sauf que le trio agit de nuit, au hasard des banlieues cossues, sans plan B. L’Internet et les regroupements spontanés ne semblent pas les inciter à partager leurs méthodes. « Ils pénètrent dans les maisons des riches pour trancher avec les moyens de protestation qu’utilisaient leurs propres parents en 1968, précise le cinéaste. Sauf qu’ils oeuvrent seuls, en espérant que les médias prennent le relais et inspirent d’autres contestataires. Ils sont le produit de leur époque, inspirés mais peu organisés. » Selon le groupe, l’élargissement des consciences se passe uniquement auprès des castes supérieures, alors que les moins « éduqués » auraient avantage à bénéficier de leur mobilisation. Weingartner n’en démord pas : « Les Édukators interviennent auprès des riches pour ébranler leur confiance dans un système qui contribue à les enrichir et les sécuriser. Comme le mentionne le personnage de Daniel Brühl, "leurs années de vaches grasses sont révolues". Tous les pauvres devraient agir comme les Édukators ! »


Rapidement, le trio pèche par désinvolture et se retrouve avec un otage sur les bras, Hardenburg, un industriel auprès de qui la blonde Jule a contracté une lourde dette suite à un accident involontaire de voiture. Avant que l’embrouille ne vire au règlement de comptes, l’entrepreneur avance qu’il aurait sympathisé dans sa prime jeunesse avec des récriminations similaires à celles du trio "avant de voter à droite". « Hardenburg nourrit les mêmes remords que plusieurs baby-boomers : ils veulent tout avoir, l’argent, les idéaux et la bonne conscience, accuse Weingartner. Peut-être sont-ils devenus de pires modèles que ceux contre qui ils ont lutté durant leur jeunesse. Je trouve désolants ces parvenus qui mettent sur le compte de l’âge ou de la sécurité familiale leur désengagement social. Après tout, pas besoin d’avoir 25 ans pour boycotter Shell ! »


Et leurs successeurs ? « Je ne crois pas que la prochaine génération de PDG sera plus humaniste. Le monde change mais les corporations tiennent à garder leur pouvoir, et les plus idéalistes continueront à être écartés des conseils d’administration. Ce qu’il faut changer, ce sont les lois cautionnant le comportement sauvage des compagnies. Et encore ! Dernièrement, le président de Daimler-Chrysler a envoyé promener le gouvernement allemand, qui voulait l’obliger à payer des impôts – et il continue à ce jour à être exempté de taxes. Les politiciens doivent prendre leurs responsabilités au plus vite ! »


L’effort est louable, mais le manque de profondeur de la leçon agace et nuit forcément au propos. En ce sens, The Edukators témoigne plus d’un hobby hip que d’une démarche réellement porteuse de changement.


© 2007 Charles-Stéphane Roy