mardi 17 juillet 2007

Critique "North Country"

North Country
de Niki Caro
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


QUAND L’USINE MINE LA FEMME

Est-elle révolue l’époque où la guerre des sexes demeurait au vestiaire des ouvriers? Niki Caro et Charlize Theron se sont salopées pour nous répondre.


Charlize Theron n’aura pas eu le temps d’épousseter son Oscar obtenu dans Monster qu’elle devra enfiler à nouveau une nouvelle robe pour le gala de mars prochain. La Sud-Africaine s’est enlaidi à merveille dans le drame judiciaire North Country, usiné pour passer à la caisse de l’Académie américaine sans faire la file. Et Niki Caro, la cinéaste derrière Whale Rider, a investi les départements de conscience sociale et d’excavation lacrymale pour s’assurer un maximum de rendement pour son premier gisement en sol hollywoodien.


Le film met en lumière le premier cas d’harcèlement sexuel au travail ayant débouché sur une condamnation aux États-Unis. Eveleth Mines avait alors comparu à la barre dans une position avantageuse, laissant planer des activités frivoles et l’instabilité de son ancienne employée. N’empêche, le jugement émis en 1984 fit jurisprudence concernant les abus physiques et moraux dans des milieux réservés jusque là aux hommes. « Le milieu ouvrier est encore très macho et conservateur, malgré les modifications passées à la loi du travail. Nous avons fait appel à de vrais miniers sur le plateau, et lorsque les scènes d’assemblée furent tournées, les travailleurs ont applaudit chaudement Woody (Harrelson) et demandaient à Charlize de leur montrer ses seins! », relata la cinéaste Niki Caro lors de son passage éclair au Festival de Toronto.


Flanquée des influentes Sissy Spacek et Frances McDormand, Charlize Theron incarne une ouvrière plutôt crédible, malgré des yeux trop clairs et des joues trop roses; c’est que l’actrice n’a besoin d’aucun maquillage pour faire passer sa vulnérabilité, son côté fille à papa, que celui-ci soit col bleu ou blanc. Au travers de ce greatest hits d’intimidations en bas de la ceinture, la relation d’un père laissant ses collègues traiter sa propre fille de pute et souiller son vestiaire est ce qui déchire le plus, perruque de coupe Longueuil ou pas. « Je suis consciente que l’aspect physique retiendra sans doute plus l’attention que les combats internes de mon personnage », prévoit Theron. « La question du female bashing est toujours d’actualité dans le monde du travail et c’est ce que j’ai ressenti durant tout le tournage. Être une femme à Hollywood vous en apprend longuement sur ce triste état de fait, croyez-moi! »


Fille adopte de Silkwood ou Norma Rae, North Country tient l’ardoise des plaintes pour lieu de scénario plutôt que de rapporter les déséquilibres d’une communauté ouvrière où les femmes finissent en boudin. « Josie n’a pas vraiment existé, le personnage représente plutôt la somme des témoignages réels enregistrés lors du recours en justice intenté par des travailleuses victimes de harcèlement sexuel », renchérit Theron. « Nous les avons rencontrés, et entendre leur expérience ne fut pas chose facile. Car tout ce que vous voyez à l’écran s’est bel et bien déroulé. » Toutefois, un documentaire aurait peut-être mieux servi la mémoire de cette affaire cruciale pour comprendre et sensibiliser ces rapports de force toujours présents aujourd’hui, ne serait-ce que dans les iniquités salariales.


© 2007 Charles-Stéphane Roy