mardi 17 juillet 2007

Critique "Quill"

Quill
de Yoichi Sai
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


PARFUM DE PITOU

Lassés de Lassie ? Quill ne provoque pas d’allergies, mais on lui aurait souhaité un peu plus de rage.


À ceux qui douteraient que Hong Kong ne produit plus que des oeuvres banzaï destinées à Fantasia, Quill vient remettre les pendules à l’heure – le film du samedi matin idéal pour vous et votre portée. À ceux qui auraient autrement en aversion les films de chien, prêts à japper au moindre animisme ou dès qu’un cabot joue au basketball, vagabonde ou ne converse avec des minous, Quill se tient à l’écart de ces “dogsploitations” et pourrait devenir la mesure étalon d’un sous-genre déjà discutable.


Succès monstre au Japon, le film est rien de moins qu’une épopée tranquille à quatre pattes, la biographie hyperréaliste d’une bête de compagnie plus adorable et attachante que vos toutous réunis. Une chance, car le pitou est de tous les plans du film, multipliant les mines piteuses et tous les trucs pouvant même attendrir un chat. Dévoué et protecteur, le meilleur ami de l’humain donne sa pleine mesure devant la caméra de Yoichi Sai, vétéran cinéaste japonais d’origine coréenne et ancien assistant de Nagisa Oshima. Connu pour ses films de gangsters (l’inédit Blood & Bones, Dog Race…), Sai purifie son récit de toute scorie héroïque ou antagonisme forcé, lot de tout film canin qui se niche dans l’infantilisme béat, pour élaborer avec justesse un éloge bien senti et fort honnête sur les rapports bête-maître.


Adapté du « Guide des chiens pour aveugles » d’Ishiguro Kengo, Quill est le nom d’un Labrador marqué sur le flanc d’une tache ressemblant à une plume. Séparé des chiens quelques jours seulement après sa naissance, Quill embrasse rapidement sa destinée, qui le met sur la route des petits malheurs de maîtres ordinaires. Après une première escale chez un couple de promeneurs de chiens, notre héros à poil gambade jusqu’à l’école d’un instructeur de chiens guides pour aveugles qui lui reconnaît une empathie naturelle et une grande patience. Entre Mitsuru Watanabe, un non-voyant colérique et orgueilleux, qui ne voit pas d’un bon oeil la constante compagnie d’un cabot entre les pattes. Mais étant donné que TOUT le monde tombe amoureux du « chien le plus cute au cinéma » (dixit IMDb.com), l’aveugle belliqueux, sa femme délaissée, son gamin énurétique et sa fillette tout sourire auront tôt fait d’adopter Quill dans leur vie et profiter aisément de l’amour inconditionnel du nouveau membre de leur famille. Et de délester un peu plus la vie de son fardeau à chaque fois que ce cher Quill s’enroule dans du papier de toilette ou s’emporte contre une chenille.


La règle de Sai est simple : pour chaque “whouf”, un “snif” s’ensuit incessamment. Avec pareil nonosse, pas étonnant que, petits ou grands, les fans du film soient légion. Quoiqu’il en soit, Quill passe du documentaire au mélodrame avec une grande sensibilité accordée aux petits gestes répétitifs d’entraînement et de ménage domestique. Nul doute que le film dégriffera immanquablement le cœur des amoureux des chiens et endormira probablement quiconque ne comprenant pas comment un débordement d’affection canine peut engendrer des patronymes tels que « Croquette » ou « Goliath ».


© 2007 Charles-Stéphane Roy