de Arto Paragamian
2000
Paru dans Séquences
De son passage à l’École de cinéma de l’Université Concordia, Arto Paragamian a réussit l’exploit d’arracher à deux reprises le Prix Norman-McLaren. Et de sa collaboration au projet Cosmos, il aura réalisé la vignette la plus réussie, un intelligent dosage d’humour et d’humanité. Il est clair que son second long métrage était fort attendu, soutenu par un intérêt également généré par la trop faible production québécoise d’expression anglophone de ces dernières années. Et une fois de plus, le cinéaste ne déçoit pas.
Two Thousand and None est une fable sur la vie et sur le destin de Benjamin Kasparian (John Turturro), un professeur en paléontologie à l’Université McGill qui, au seuil de la gloire professionnelle, apprend qu’il est atteint d’une rare maladie mortelle causant une expansion accélérée du cerveau, qui lui occasionnera une perte progressive de sa mémoire et de ses sens jusqu’à la mort. Avec moins de trois mois à vivre, Kaparian décide de mordre dans ses derniers instants de lucidité avec fougue et philosophie. Pourchassé par son meilleur ami (Oleg Kisseliov) et son ex-femme (Katherine Borowitz), qui tentent de vivre leur deuil en sa compagnie, il en profitera pour vivre une idylle avec l’une de ses étudiantes (Vanya Rose) et tenter de déménager la dépouille de ses parents dans son Arménie natale.
Le savoir-faire de Paragamian se situe incontestablement au niveau de la cohésion de tons et d’atmosphères au premier coup d’oeil biscornues, et Two Thousand and None le prouve ingénieusement. À l’image de la tortureuse marche de son héros vers son ultime destin, le film emprunte les chemins de la comédie onirique et du drame existentiel sans en syncoper la fluidité de son récit, si bien que le spectateur ne se sent jamais l’otage d’un capharnaüm stylistique aux ramifications stériles.
L’ensemble se retrouve toutefois miné par le jeu approximatif des acteurs de soutien, coincés dans des personnages accessoires et caricaturaux par moments, que Paragamian a offert en pâturage à Turturro, qui se taille ici la part du lion. Néanmoins, Two Thousand and None offre beaucoup plus - et mieux - de vision et de consistance que la moyenne des films québécois d’expression francophone de la relève.
© 2007 Charles-Stéphane Roy