vendredi 11 mai 2007

Critique "The Quiet American"

The Quiet American
de Philip Noyce
2002
Paru dans la revue Séquences


Chronique d’un exotisme brutal sur l’Indochine occupée des années 1950, The Quiet American expose la politique interventionniste américaine des cinquante dernières années, dont l’écho résonne jusqu’aux récentes altercations entre les nouveaux derrick boys de l’Oncle Sam et le Moyen-Orient. Doué d’une élégance quasi archaïque, le film force l’admiration : l’œuvre se tient en exergue de la traditionnelle reconstitution soignée afin de mieux déployer une subtile étude des mœurs de la gente colonialiste, moralement nichée entre un humanisme belligérant et ses propres conflits diplomatiques internes.


Afin de se réapproprier soigneusement le roman de Graham Greene, Philip Noyce s’est réservé une équipe de premier plan : Sydney Pollack et Anthony Minghella à la production, Chris Doyle (In the Mood for Love) à la direction photo et Michael Caine en tête d’affiche. Ce dernier campe un correspondant du London Times à Saigon lié à une jeune vietnamienne qui ne demande qu’à prendre mari et – surtout – pays. Un Américain en apparence plutôt tranquille se lie d’amitié avec le vieil homme et tombe rapidement amoureux de sa juvénile maîtresse, causant de vives confrontations à l’image de leurs nations respectives.


Tout l’art de ce récit tient précisément dans ce jeu réflexif entre intimité et Histoire, individus et patrie : autant la lecture de la situation politique, les jeux de l’amour ou les indices de bravoure et d’empathie témoignent (ou trahissent) la culture ou les allégeances de chacun des personnages. Mieux encore, les dialogues finement ciselés révèlent un rare souci dramaturgique au niveau de l’énonciation même, dénotant à la fois intention, émotion et rhétorique.


La plus brillante illustration de cette stratégie discursive réside dans la performance de Michael Caine, sans contredit la plus convaincante de sa carrière. Tout en nuances et en manières, Caine inscrit son personnage dans ses traits fatigués, son regard de feu et son ton légèrement outré ; il devient carrément ce Britannique bien soucieux perdant peu à peu ses moyens. À son grand dam, et à notre plus grand plaisir.


© 2007 Charles-Stéphane Roy