lundi 14 mai 2007

Berlin 04

54e Festival de Berlin
2004
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


Film parade


Malgré la présence de plus de 3000 journalistes, une programmation avoisinant 400 titres et la mise sur pied de l’imposant Marché du film européen, la Berlinale souffre, telle une sentence, du syndrome de l’éternel second derrière Cannes, et cette sélection 2004 n’arrange rien à l’affaire. Si les Berlinois remplissent bon an mal an les salles sans se faire prier, il en est tout autre de la crème des producteurs internationaux, qui hésitent encore à « sacrifier » leurs poulains les plus prometteurs en rêvant d’une sélection cannoise.


Ainsi, Walter Salles (Motorcycle Diaries), Thomas Vinterberg (Dear Wendy) et Pedro Almodõvar (Bad Education) fileront vraisemblablement sur la Croisette, si bien que les programmateurs teutons ont dû se rabattre sur le Travelling with Che Guevara, un documentaire sur le film de Salles (!), le In Your Hands d’Annette K. Olesen, l’une des dernières diplômées certifiée « Dogme 95 », et l’espagnol Manuel Gutiérrez Aragón, dont la principale carte de visite est un Ours d’argent datant de… 1977.


Malgré tout, quelques cinéastes confirmés, dont Theo Angelopoulos, John Boorman et Éric Rohmer ont répondu présent à l’appel du directeur Dieter Kossler, qui prêche notamment un cinéma social et politique. Il demeure néanmoins surprenant de retrouver en compétition Kim Ki-Duk (Samaria), Matteo Garrone (auteur du troublant Imbalsamatore) et le prometteur Maria Full of Grace de Joshua Marston, récemment récompensé à Sundance. Quoi qu’il en soit, le plaisir du festivalier, lui, est exponentiel: billetterie efficace, files d’attente quasi inexistantes, salles spacieuses, projections irréprochables et proximité des lieux témoignent d’une organisation parfaitement rodée. Et comme nous sommes en Allemagne, il est bien vu d’agrémenter son pop corn d’une bière dans les salles. Wunderbar!


Il est évident qu’à mi-parcours, les films des sections parallèles se sont rapidement démarqué des autres, en faisant place aux contenus plus audacieux : on a donc pu apprécier entre deux étirements le « Vaux to the Sea », second volet du multimédiatique Tulse Luper Suitcases de Peter Greenaway, puis subir l’Anatomie de l’enfer de Catherine Breillat, un puéril huis-clos aux innombrables giclées de sp..éculations néo-féministes douteuses qui passera plutôt à la postérité pour sa recette de tisane infusée d’un tampon souillé…Pour de réels plaisirs de cinéma, les Asiatiques demeurent les valeurs sûres : relevons au passage le cartoonesque Adventure of Iron Pussy du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, une comédie musicale mettant en vedette une sorte d’Inspecteur Clouseau transsexuel, ainsi que le Tale of Two Sisters de Kim Jee-woon (The Foul King), l’adaptation horrifique d’un récit folklorique coréen.


Les marches bondées de festivaliers accroupis témoignent à leur tour d’un intérêt marqué pour la sélection de documentaires, riche et variée. Notons le retour de Chris Smith (American Movie) avec The Yes Men, l’hilarant portrait de deux faux représentants de l’OMC qui vont déblatérer des absurdités durant les réunions de bonzes de la haute finance internationale, puis les désormais obligatoires documentaires musicaux tels que le très « d.i.y. » End of the Century : the Story of the Ramones ou le grandiloquent The Nomi Song, sur le chanteur new wave à la voix de castrat, un phénomène toujours populaire d’après les réactions de la salle mais suscitant de nombreuses interrogations parmi les critiques étrangers… : à quand un film sur les prouesses vocales de David Hasselhoff ?


Malgré la faible représentation d’œuvres locales (dont La face cachée de la lune de Robert Lepage, qui a profité de sa conférence de presse pour aborder l’épineuse questions des primes canadiennes à la performance), il est enfin à souhaiter que Téléfilm Canada, présent au Marché et actuellement en pleine évaluation du FFM, applique quelques préceptes éprouvés de la formule berlinoise qui, soustraite à d’obsolètes découpages nationaux, est devenue un véritable modèle de manifestation populaire.


© 2007 Charles-Stéphane Roy