vendredi 11 mai 2007

Critique "Père et fils"

Père et fils
de Michel Boujenah
2003
Paru dans la revue Séquences


L’acteur Michel Boujenah s’est fait discret ces derniers temps, et c’est bien dommage. Hormis sa présence dans 18 ans après de Coline Serreau, sa tronche pleine de bonhomie et son attachement manifeste pour les personnages simples et bons vivants auront manqué à plus d’un. Son esprit généreux et rassembleur imprègne l’ensemble du scénario et des personnages de sa première réalisation, une comédie plutôt réussie toute en clins d’œil et en sentiments bon enfant.


Noiret le patriarche parvient ici grâce à de mauvais subterfuges et de bonnes intentions à convier ses trois fils récalcitrants à un voyage au Québec afin, semble-t-il, d’y passer ses dernières heures en famille. Cette simple virée entre hommes devient de grandes retrouvailles fraternelles, celles qui réinstaurent les liens érodés et qui en créent de nouveaux, presque passionnels.


À l’image de Boujenah la bête de scène, le quatuor du film joue parfois lourdement, cabotine sans vergogne et fait rire là où ça se corse. Tout méditerranéen qu’il soit, le réalisateur marque ses scènes d’une camaraderie de tous les instants, le plaisir de jouer et d’en remettre se faisant sentir d’un bout à l’autre de ce récit cousu de fil blanc, sans prétention aucune sinon de véhiculer un amour des autres, de la famille, de l’aventure et d’une certaine dérision. Boujenah aurait pu camper cette histoire mille fois racontée dans un quelconque décor touristique ; il aura choisi le Québec, patrie d’adoption sympathique à ce type d’humour et de camaraderie et environnement idéal pour ce retour aux racines par le biais de cette consultation bidon avec une paysanne guérisseuse diablement émancipée, caricature assumée d’une sagesse folklorique teintée de chaleur et d’un certain charme.


Avec fort peu de moyens, voilà donc un remède galvanisant à tous les divertissements creux et essoufflés peuplant les mégaplexes, un pied de nez aux adeptes de vulgarité gratuite et un appel au désordre face aux films bien-pensants à la morale scolastique ; bref, le digestif idéal accompagnant les toutes dernières soirées d’été.


© 2007 Charles-Stéphane Roy