de Chedly Belkhodja et Jean Chabot
2001
Paru dans la revue Séquences
Il y a de ces rencontres fortuites entre des éléments dont on n’oserait soupçonner la possible combinaison qui provoquent des résultats stupéfiants. La co-réalisation d’un cinéaste chevronné et d’un apprenti en est une, et la corrélation entre la visite qu’effectua en 1787 l’impératrice Catherine II dans son royaume et le tourisme de masse moderne en est une autre. Et lorsque cette audacieuse proposition épouse autant la réflexion que l’émotion, on s’incline.
Le pont entre ces deux époques radicalement opposées est relaté par le biais d’une servante fictive tentant de raisonner à la fois la candide voyageuse russe, qui s’exclame de bonheur au contact des villageois vendus et des cités en toc rencontrés au cours d’un périple trafiqué de longue haleine par ses conseillers, et les vacanciers égarés aux quatre coins des provinces maritimes, à la recherche de folklore bon marché et de sites estampillés « couleur locale » à mille lieux de la réalité.
Ce lucratif marché semble pourtant répondre directement aux attentes des adeptes de culture-éclair et de dépaysement-sur-demande sevrés au tourisme organisé. Notre réalité est-elle devenue ennuyante au point que nous ne puissions plus obtenir le frisson que par l’artifice et le prêt-à-photographier ?
Le film pose ces magnifiques questions, et en suscite beaucoup d’autres encore. La narration, juste et éloquente, parvient même à émouvoir. Que demander de plus ? De grâce, n’enterrons pas l’ONF trop vite.
© 2007 Charles-Stéphane Roy