lundi 21 mai 2007

Critique "The Stepford Wives"

The Stepford Wives
de
Frank Oz
2004

Paru dans la revue Séquences


On allait voir ce remake de la série B de 1975 déjà incrédule, souhaitant secrètement y trouver un plaisir coupable nourri par de formidables mises en abîmes et autres clins d’œil. Entre les mains du touche-à-tout Frank Oz (metteur en scène, ventriloque, maître Jedi ou diva porcine), dont le meilleur film demeurait justement un remake (Dirty Rotten Scoundrels), on assiste toutefois au pire, soit à un film mésadapté au dénouement indigeste (car remâché plusieurs fois), inutile satire de la terrifiante satire originale et finalement surjoué – on préfèrera de loin l’interprétation des robots à celle de leurs voisins humains.


Ira Levin, sorte de Stephen King avant l’heure, demeure un écrivain méconnu aux œuvres iconiques dont le cinéma fit ses choux gras une décennie durant : Rosemary’s Baby, The Boys From Brazil, Deathtrap, mais également l’infâme Sliver ont cumulé d’impressionnantes recettes grâce à un esprit conspirationniste échafaudé à même nos peurs primales. Tapisserie des valeurs familiales de la droite américaine de l’époque de Leave it to Beaver et Daddy Knows Best, le modèle de l’épouse vivant à Stepford (toponyme imaginaire évoquant les consonances du terme « stepfather », qui réfère autant à une figure autoritaire qu’à un substitut) a subit une manucure souscrite aux besoins de l’homme d’aujourd’hui : Madame a conquis le monde dans sa prime jeunesse mais deviendra sous peu ménagère, décoratrice, poupée gonflable d’après-midi et même guichet automatique pour Monsieur, qui, sous prétexte de ne plus savoir comment définir sa virilité, a recours à une télécommande – joli pléonasme sociologique – pour contrôler son nouveau caniche mécanique, seins et cerveau reconfigurés.


Pendant ce temps, toute impolitesse politique ou subtilité a déserté la ville, laissant le spectateur perplexe devant tant de badinage obsolète sur une impossible conclusion de la bataille des sexes. Pendant que nous fantasmons toujours sur ce qu’auraient pu produire Tim Burton ou Roman Polanski avec une telle prémisse, sachez que le meilleur remake de la fantaisie de 1975 fut sorti dix ans plus tard sous le nom de The Witches of Eastwick.


© 2007 Charles-Stéphane Roy