jeudi 10 mai 2007

Critique "The Majestic"

The Majestic
de Frank Darabont
2001
Paru dans la revue Séquences


Jim Carrey désirait se faire reconnaitre en tant qu’acteur et non plus simple comédien, jouer les drames et récolter des Oscars; ce Carrey veut, Carrey peut aujourd’hui se le procurer aisément. Remisant les pitreries grivoises des frères Farrelly, il se paye désormais le maniérisme académicien de Frank Darabont, maintenant libéré du joug des adaptations grand public de Stephen King. La rencontre entre l’émule de Jerry Lewis et le disciple de Frank Capra engendrera un imbuvable acte de narcissisme, un douteux pastiche du Sommersby de John Amiel transfiguré à une époque dont le cinéma américain semble n’avoir retenu que l’aspect grand-guignolesque.


Imaginez l’ère du maccarthysme durant laquelle un scénariste naïf est pris non pas pour un autre, mais bien deux: tandis qu’Hollywood le soupçonne d’activités communistes, la population d’une ville anonyme le confond avec une gloire militaire locale portée disparu depuis une dizaine d’années. Imaginez ensuite Carrey en véritable vaccum moral, épousant au gré de son désir de plaire le rôle que chacun veut bien lui faire jouer sans jamais se poser de questions; puis enfin une surenchère de grands sentiments au service d’un scénario sans tonus ni audace regorgeant de dialogues aussi puérils que mécaniques; imaginez tout cela ou pire encore, et vous obtiendrez cet outil promotionnel inoffensif destiné à implanter le (limité) registre dramatique d’un acteur schématiquement téflon — nous sommes ici bien loin du Robin Williams de The World According to Garp et du Peter Sellers de Being There — dans votre esprit, que l’on a justement imaginé bien étroit et peu développé.


Un tel acte d’infantilisation du spectateur dénote une bien basse conception du divertissement — aussi populaire soit-il — et nous renvoie une vision plutôt inquiétante du concept de sagacité, par le biais précisément d’un pompeux récit sur l’adversité. Malheureusement, la subtilité semble ici n’avoir toujours pas de prix, il faut croire.


© 2007 Charles-Stéphane Roy