de Brian Dannelly
2004
Paru dans la revue Séquences
Au lieu de nous endoctriner sur les téléphones cellulaires ou les chandails nombril, Saved! prêche plutôt un surprenant message… évangélique. Alors que cette ambitieuse comédie se déroule sur le campus d’un collège ultra catholique où Jésus est invoqué pour tout et son contraire, le film produit par le chanteur Michael Stipe se tient au-dessus des prédications mièvres du rock chrétien ou des veillées de prière scout en prêchant dans une paroisse où l’on compte parmi les fidèles un gai, une juive adepte de danse contact, un handicapé, une fille mère… et Mandy Moore, qui se permet même un (bref) tour de chant.
Le ton est donné : on passera laborieusement du meilleur (le premier tiers du film) au pire (la dernière demi-heure… et Mandy Moore) sans pouvoir saisir complètement la démarche entre deux eaux du réalisateur et scénariste Brian Dannelly, dont c’est ici l’ordonnance du premier long métrage. Sur ce délicat terrain du rôle de l’église chez les jeunes, Dannelly navigue rarement en ligne droite et soulève parcimonieusement les vertus et abus d’une certaine bigoterie juvénile tout en ajoutant quelques boutons d’acné, le thème musical du film L’Exorciste et nombre de séances de clopes entre des dialogues de bon ton, frappant juste et, une fois n’est pas coutume, ne versant jamais dans la vulgarité.
Si Saved! se fait plus repentant au dénouement, on retiendra toutefois le solide jeu de la garde montante hollywoodienne, et surtout celui de la fabuleuse Eva Mazzuri, fille de Susan Sarandon hors du couvent ; en campant l’incontournable rôle de rebelle cernée d’eyeliner, Mazzuri offre un jeu physique diablement efficace en abusant juste ce qu’il faut de mauvais goût et de langue sale, ce qui en fait la digne héritière du Judd Nelson à l’époque où il passait ses samedis à la bibliothèque scolaire. À défaut de convertir, Saved! divertit donc intelligemment et redonne foi en un cinéma pour jeunes adultes efficace et dégourdi.
© 2007 Charles-Stéphane Roy