jeudi 10 mai 2007

Critique "Comment j’ai tué mon père"

Comment j’ai tué mon père
de Anne Fontaine
2003
Paru dans la revue Séquences


Anne Fontaine (Les histoire d’amour finissent mal en général, Nettoyage à sec) a investi avec son plus récent long métrage une zone grise des relations familiales, un nid de guêpes souvent balayé par un legs patriarcal impérial sous le tapis de l’inconscient. À la fois Oedipe et Narcisse, le père et le fils de Comment j’ai tué mon père deviennent le reflet cathartique du territoire filial masculin pratiqué dans nombre de foyers d’après-guerre. Récupérant les cibles auxquelles s’attaqua le cinéma européen néo-bourgeois des années 1970 (Claude Chabrol et Ettore Scola en tête), Anne Fontaine est parvenue avec élégance et doigté à ressasser le débat père-fils dans un récit flirtant avec le suspense.


Maurice, un médecin sexagénaire en exil, se rend à l’improviste chez son fils Luc lors d’une soirée mondaine. Entre un mariage sclérosé avec Isa et une relation nourricière avec son jeune frère Patrick, Luc voit ce retour du père prodigue d’un oeil suspect. Immanquablement, les cicatrices de son absence prolongée plongent Luc dans des confrontations avec ce vieillard parasitaire qu’il a tenté d’oublier, mais dont il a adopté au fil du temps les valeurs et les attitudes. Le film propose dès lors une réflexion particulièrement féconde : existe-t-il une forme de rédemption soustraite de remords ?


Perceptiblement, la force de Comment j’ai tué mon père se situe dans la qualité des dialogues mis en plans avec un sens remarquable de la répartie dramatique et de l’espace. Bouquet épouse avec un plaisir sardonique les traits d’un personnage qu’il peaufine avec art depuis plus de trente ans, épaulé par le désarroi posé mais jamais poseur de Berling. Grâce à cela, ce film concis et glacial parvient à nous remuer les tripes tout en nous confrontant à un hermétisme moral galvanisateur. Du cinéma classique de premier plan.


© 2007 Charles-Stéphane Roy