de Michel Ocelot
2001
Paru dans Séquences
Fort du succès de Kirikou et la sorcière, un magnifique film qui su rejoindre un large public de tous âges à sa sortie en salles et en vidéo, Michel Ocelot, ce cinéaste d’animation obstiné, a regroupé six contes réalisés en 1989 pour le compte de la télévision européenne autour du thème universel des princes et princesses. L’homme aime les défis, si bien que ces récits sont animés avec l’unique technique des ombres chinoises, aplanissant ainsi toute forme, contour ou expression.
Peut-on voir dans cette réédition la réplique du cinéaste aux potentiels distributeurs américains, qui tournèrent systématiquement le dos à son précédent long métrage pour cause de nudité frontale dans sa représentation de la femme africaine ? Souhaitons cette fois une meilleure visibilité à cette oeuvre riche en détails et textures qui ose interpeller l’intelligence du spectateur-enfant, à mille lieues de la traditionnelle bouillie disneyienne.
Au coeur d’une cité anonyme, deux enfants s’amusent à créer et interpréter des histoires féeriques venant de l’Égypte pharaonique, du Moyen Âge, du futur ou du Japon des estampes de Hokusai. Résultat: le spectateur est conquis par la candeur de ces héros sans visages aux destins interchangeables et par la finesse de scénarios suggérant des exploits bien au-delà de la sempiternelle lutte manichéenne.
Ce tour de force devient d’autant plus sympathique lorsqu’il est habillé d’un langage aussi concis qu’accessible et que le rythme demeure soutenu et fluide avec une étonnante économie de moyens. Ocelot signe ici ce que l’on pourrait considérer un film d’animation indépendant, évitant les effets à l’emporte-pièce afin de constituer une esthétique cohérente et personnelle, puisée quelque part entre la tradition asiatique du spectacle d’ombres et celle, résolument européenne, de l’animation néo-psychédélique de René Laloux.
À mi-parcours, sous l’oeil attentif d’un hibou-sablier, un bref entracte octroie au spectateur une minute pour parler, une initiative aussi originale que bienveillante marquant le respect et l’importance du spectateur chez Ocelot. Chapeau !
© 2007 Charles-Stéphane Roy