jeudi 10 mai 2007

Critique "The Royal Tenenbaums"

The Royal Tenenbaums
de Wes Anderson

2001

Paru dans la revue Séquences

Personnages légèrement fêlés, décors banlieusards kitsch, culte du tronche et désirs oedipiens inaccessibles, voilà ce qui alimente l’oeuvre du réalisateur Wes Anderson et de son comparse Owen Wilson depuis Bottle Rocket. Alors que Rushmore poussa ce rocambolesque canevas conceptuel aux limites de la caricature outrancière, que penser ici de The Royal Tenenbaums, un tableau-roman suppurant la contrefaçon esthétisante et la fraude narrative ?


Anachroniste indécrottable, Anderson poursuit rondement l’esquisse d’une génération gavée aux Brady Bunch, aux thérapies behaviouristes radicales et à la culture junk en frayant à l’intérieur d’un réseau de styles court-circuités avec cette irritante intention de démontrer la coolitude absolue. Mais il demeure hasardeux de parler ici de cinéma.


Le tandem Wilson-Anderson utilise ici un cadre souple, celui du chapitre littéraire, afin de relater les mésaventures de la cellule Tenenbaum, un clan d’excentriques divisé par le retour du père, à l’article de la mort, après de longues années au bercail. Vivant entre échecs et réclusion, les membres de cette famille retrouvent dès lors les rivalités de leur enfance, durant laquelle ils furent marginalisés par leurs prodigieux dons pour le tennis, le droit et la dramaturgie. Royal, ce père autrefois égoïste et nonchalant, veille désormais sur sa progéniture et ses petits-fils, les entraînant avec un malin plaisir sur le chemin de la désobéissance civile. Les Tenenbaums aspirent désormais à une existence... normale.


Si les premières séquences dénotent un sens aigu de la citation, Anderson épuise rapidement les ressorts d’une intrigue accessoire et sur vitaminée agonisant lentement sous une organisation narrative confuse et lourdement approximative. Il est ainsi malheureux de constater que les interactions entre les personnages — et, ultimement, leur sort — ne suscitent que peu de réflexion ou de rires, sinon d’intérêt, malgré une distribution toutes étoiles et des performances généralement bien senties. Rayon dysfonctionnement et marginalité, John Waters possède un savoir-faire nettement plus intéressant et articulé.


© 2007 Charles-Stéphane Roy