lundi 14 mai 2007

Critique "The Human Stain"

The Human Stain
de Robert Benton
2003
Paru dans la revue Séquences


Adaptation d’un roman primé, acteurs oscarisés, directeur photo chevronné et réalisateur certifié : The Human Stain annonçait un mémorable moment de cinéma. Il faudra pourtant se rabattre sur l’œuvre littéraire de Philip Roth pour savourer toutes les ramifications dramatiques de ce récit, une tragédie – une vraie, avec du sang, de l’inceste, et une sacré dose de fatalité. Dès le départ, quelque chose ne tourne pas rond…. Est-ce l’emploi de la narration (à la troisième personne, de surcroît), qui alourdit inutilement le début de l’intrigue, ou les nombreux retours en arrière, un brin décousus ? Disons plutôt que l’on a affaire ici à un cas typique d’adaptation littérale, qui aurait manifestement gagné en clarté en s’affranchissant de sa manière première.


Le sujet même appelait une amplitude précise entre les divers temps d’action et les causalités émotives, tant elles foisonnent et se recoupent à travers les bouleversements que subissent Coleman Silk, destitué d’une prestigieuse chaire à cause d’une remarque jugée raciste, et sa maîtresse Faunia Farely, aux prises avec un ex-mari inquisiteur. Au-delà de leurs amitiés et persécutions respectives, ces amants accusent de vives plaies intérieures, dont les origines seront dévoilées un peu pêle-mêle en périphérie des pivots dramatiques. Rapidement – trop rapidement, même – les confessions fusent, les intrigues se multiplient et les personnages se relaient dans une déroutante hiérarchie, tandis que toute émotion sous-jacente éclot par bousculements successifs, à la merci d’une canalisation séquentielle défaillante et d’un désir d’en mettre plein les nerfs à chaque scène.


Tout cela reste bien dommage, alors que les acteurs, Anthony Hopkins en tête, affichaient pourtant une forme d’enfer, entre rage, abandon, honte et compassion, et que les magnifiques extérieurs, dont ceux tournés à North Hatley et à Tremblant, procuraient à l’ensemble une ambiance feutrée, admirablement captée par Jean-Yves Escoffier (1950-2003), dont l’œil nous manquera longtemps.


© 2007 Charles-Stéphane Roy