jeudi 5 juillet 2007

Critique "Charlie and the Chocolate Factory"

Charlie and the Chocolate Factory
de Tim
Burton
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


UN CONFISEUR CONFUS CONFINÉ AUX CONFETTIS

Riche en calories vides, le chocolat que brasse Burton depuis Ed Wood est toujours un peu moins noir et moins amer ; ne reste plus que l’emballage. Redondant.


Du Walt Disney moderne que d’aucuns n’aurait voulu qu’il ne devienne, Tim Burton s’est transformé depuis une quinzaine d’années en maître d’œuvre d’un Neverland dont plusieurs des récents manèges tournaient en rond au son d’un orgue agonisant. Vous en auriez redemandé, vous, d’autres tours de Mars Attack et de Planet of the Apes ? Le soleil d’Hollywood aurait-il trop tapé sur la tête du farfadet gothique au point de s’égarer sans passion dans des projets délaissés par ses pairs et ne se contenter que de les gonfler exagérément ? L’annonce de la réouverture de la chocolaterie de Willy Wonka sous son administration présageait une descente plus vertigineuse encore pour Burton dans ses excès les moins personnels.


Quoique… il faut reconnaître que le conte rédigé en 1964 par Roald Dahl avait de quoi remettre un peu de perlimpinpin dans la caméra du magicien de Burbank : avec ses malicieuses comptines, son tour du propriétaire psychédélique et son plaidoyer pour une créativité au-delà des âges, Charlie and the Chocolate Factory malaxe un maximum de références sur lesquelles Burton avait déjà échafaudé les bases de son usine à rêve : Alice en congé de son pays des merveilles, Dorothy larguée du domaine d’Oz, Oliver Twist, Gulliver et, bien évidemment, Peter Pan, tous auraient pu prendre place dans l’expédition et remplacer les heureux gagnants de la visite exclusive du palais des délices de Willy Wonka, le Père Noël des papilles.


Dans le canevas de Burton, l’inquiétant personnage incarné par Gene Wilder dans le film de 1971 devient un guide simplet, narcissique et cabotin sous le haut de forme de Johnny Depp (moins mielleux que dans Chocolat), qui se la joue plus Jim Carrey que Jim Carrey lui-même. L’histoire, de l’authentique poudre aux yeux, suit les déambulations d’un groupe de jeunes cacaovores dans l’éden de la gourmandise et leurs chutes respectives, car il faut conserver son cœur d’enfant et ne pas succomber à l’avarice des élixirs artificiels confectionnés par Wonka afin de mettre la main sur le Grand Prix au terme de la visite. Et tous les Oompa-Loompa dansent !


Déjà familier avec l’univers de Dahl depuis James and the Giant Peach, Tim Burton peut se targuer d’avoir su s’approprier le conte et faire sourire la Warner : Willy Wonka s’est empiffré en 2005 de références cinématographiques (l’original de 1971, des auto-références à la filmo de Burton tout comme à l’émission « Survivor », les ballets aquatiques d’Esther Williams, Magical Mystery Tour, Psycho, Fantastic Voyage et, étonnamment, 2001) ; s’assurant ainsi que les Spy Kids pourrait également être du voyage. Chapeau aux images berçantes et lumineuses du vétéran Philippe Rousselot, à la seconde jeunesse des partitions de Danny Elfman et surtout aux décors décadents d’Alex McDowell, sans qui le roi Tim aurait été tout aussi nu que lors de ses derniers dérapages, de clinquantes coquilles vides. Pour l’étincelle et l’appétit, référez-vous au modeste Hansel & Gretel que Burton réalisa à ses débuts pour Disney – plus petit, plus charmant.


© 2007 Charles-Stéphane Roy