Critique "Campfire"

Campfire
de Joseph Cedar
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal

PRATIQUER SANS Y CROIRE

En seulement deux films, le cinéaste Joseph Cedar peut déjà penser aux Golden Globes. L’oeil est là, mais la nouvelle coqueluche telavivienne se défile dès que d’autres sourcils se froncent.

Les Israéliens ont subi eux aussi un âge d’or immobilier lors du boum banlieusard au début des années 1980. Initialement conçus pour accommoder la classe moyenne en quête de tranquillité et de protection, ces développements sont aujourd’hui des zones explosives où le simple démarrage de sa voiture relève de la roulette russe. C’est dans cet environnement qu’a grandi Joseph Cedar, dont le Campfire s’est attiré les plus grandes accolades à la maison l’an dernier, annus jubilei d’un cinéma israélien qui aura livré le double de sa production annuelle régulière. Cedar incarne chez ses compatriotes cette promesse d’un cinéma grand public, thématiquement universel car politiquement affranchi au profit de morales humanistes bien pensantes – à ce jour, aucun Palestinien n’a encore franchit l’écran du Golden Boy. Box Office 1 - Revendications 0.

La raison de tout cet engouement ? Une veuve dans la quarantaine tentant désespérément d’entrer dans les bonnes grâces du comité échevinal d’un quartier en périphérie de Jérusalem. Pendant que tout le monde croit son mari tantôt en voyage d’affaires, tantôt mobilisé au front, Madame se magasine un conjoint d’occasion pour assurer son bail et intégrer un cercle bourgeois fana d’hymnes sionistes – une résidente monoparentale, ça ne fait pas très orthodoxe. Ce qui déplait foncièrement à ses deux adolescentes retorses, dont la plus jeune va connaître une douloureuse classe verte aux mains de jeunes coqs peu portés sur le romantisme. Heureusement que Yossi, un vieux séducteur désabusé, veille au grain et harmonise les tensions au sein de ce clan étonnamment misanthrope.

Ça aurait pu se passer à Greenwich ou Blainville tant Campfire conjure toute ghettoïsation culturelle ; le territoire occupé par Cedar laisse plutôt place à une enviable compréhension des rapports humains, mais pourquoi simuler des réflexions sexuelles ou religieuses en entrée de jeu si ce n’est que pour tout conclure en sentimentalités ? Curieuse diversion pour ce divertissement sans plis, aux convictions trop souvent embusquées dans la petite poche arrière.

© 2007 Charles-Stéphane Roy