mardi 17 juillet 2007

Critique "Avanim"

Avanim
de Raphaël Nadjari
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


PANIQUE ET ADMIRATION À TEL AVIV

Avanim se regarde d’un trait et fait preuve d’une maturité morale plutôt rare.


Suite à l’annonce de la mort tragique de son amant, une femme quitte mari et boulot pour recommencer sa vie avec son jeune garçon. Lu comme ça, y a pas grand-chose à écrire à son rabbin. Mais que le film ait pour cadre les institutions religieuses orthodoxes de Tel-Aviv ajoute un coefficient de difficulté supplémentaire au geste d’émancipation, qui prend véritablement là un tout autre sens.


Pour Michale (Asi Levi, une tête de mule qu’on souhaiterait revoir bientôt) et ses consoeurs, s’affirmer signifie défier un système selon lequel seules les putes peuvent connaître des relations extra-conjugales, s’afficher sans voile ou simplement déambuler la nuit sans être accompagnée. Imaginez maintenant ce qui peut se passer lorsqu’une femme réclame le divorce : autant renoncer à sa propre nature et entrer illico au couvent…


Né en France et formé à New York, le cinéaste Raphaël Nadjari achève avec Avanim une trilogie sur la condition juive au cœur des démocraties modernes débutée avec I Am Polonski’s Brother et Apartment #5C, présenté à Cannes en 2002. Comme plusieurs épilogues, le film emprunte le chemin du retour, ici celui des racines juives séfarades. “Avanim” signifie “pierres”, celles qu’on jette comme celles avec lesquelles on érige les temples et les maisons à Hatikva, le quartier populaire au sud-est de Tel-Aviv, bâti dans les années 1930 et habité par autant d’Irakiens, de Syriens et de Yéménites, tous dénigrés par l’establishment ashkénaze. Michale incarne le feu brûlant sous cette marmite sociale, carbure au changement et dérange l’autorité, donc les hommes et son propre père, patron d’une agence de comptabilité prêt à falsifier des documents pour gonfler la subvention d’une synagogue.


Sans chercher à plaire ou dénoncer, Nadjari expose frontalement les contradictions d’une communauté habituée à défendre becs et bonnets ses traditions – quitte à invoquer le Tout-Puissant dans son rapport fiscal – et prend le parti des solutions la colonne bien droite. Chassez vite votre post-partum festivalier : il n’y a jamais trop d’Avanim sur nos écrans.


© 2007 Charles-Stéphane Roy