de Raymond Depardon
2005
Paru dans la revue Séquences
Le documentariste et photographe Raymond Depardon s’intéresse depuis 30 ans aux professions publiques en observant comment ses pairs naviguent entre les rouages de la hiérarchie bureaucratique. Contemporain de Pennebaker et Wiseman, ce co-fondateur de l’agence Gamma conserve en fiction (Empty Quarter, La captive du désert) le même sens contemplatif, discrètement au service de ses personnages. Après s’être penché sur le quotidien des photographes de presse (Reporters), des forces de l’ordre (Faits divers) et du milieu hospitalier (Urgences), Depardon se retrouve dans une cour de justice 10 ans après Délits flagrants et plante sa caméra scrutatrice dans les premiers bancs de la 10e chambre d’audience parisienne, arrêt transitoire pour les accusés de crimes mineurs chapeauté par la juge Michèle Bernard-Requin.
On y assiste aux auditions de petits malfaiteurs et de récidivistes domestiques tenus d’expliquer leurs écarts de conduite, allant de délits bénins tels que des excès de vitesse jusqu’à des méfaits plus graves comme l’harcèlement. Les inculpés témoignent à la chaîne avant de retourner devant la juge pour connaître leur sentence. Cette procédure en deux temps permet de saisir la rapidité d’exécution d’un appareil judiciaire devant composer la plupart du temps avec des criminels du dimanche, et la caméra témoin de Depardon filme en gros plan les réactions des accusés dans ce curieux exposé de cinéma vérité en huis clos. Balbutiante et contradictoire, la défense laborieuse de ce défilé issu de la petite bourgeoisie et des minorités visibles porte en elle un remord à fleur de peau, sinon un déni passablement gênant à voir.
Bien que les intentions du cinéaste soient nettes et perméables, il demeure d’un goût douteux de juger une seconde fois par la seule captation de la caméra des individus qui, innocents ou non, sont visiblement ébranlés et demeurent somme toute peu habitués à se défendre de la sorte. Hautement discutable.
© 2007 Charles-Stéphane Roy