de Vincent Glenn 2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
LA PLACE DU COMMERCE
Plus collage que film, le second documentaire de Vincent Glenn démonte l’OMC pion par pion. Et on en a pour notre argent.
Alors que Michael Moore se pose en défenseur glorifié de la veuve de guerre et de l’orphelin prolétaire, le cinéaste français Vincent Glenn adopte une attitude plus candide lorsqu’il s’interroge sur les rouages de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Un jour, il repasse ses chaussettes dans l’inconfort d’un logement exigu et traverse son village pour recycler un panier d’épicerie plein de bouteilles de vin vides ; le suivant, il enfile la cravate et le veston (dépareillés, il va sans dire) pour rencontrer les hauts fonctionnaires à la tête de ce tribunal économique virtuel, chargé de libérer les échanges commerciaux des entraves liées au protectionnisme national ou à y intégrer le plus de domaines possibles, même les services, dans les accords économiques interfrontaliers.
Au lieu de dénoncer les folies d’un système qui ne vit plus que pour lui-même au nom des économies réalisées par le consommateur, Glenn devient le maître d’œuvre par lequel s’échafaude de manière plus structurée qu’elle n’y parait la vulgarisation du capitalisme dernier cri, selon lesquelles tout élément, vivant ou manufacturé, deviendrait monnayable. Ce type de démarche, le questionnement par ignorance (feinte ou réelle), fait penser irrémédiablement à la quête d’Usbek et Rica, les voyageurs du baron de Montesquieu des Lettres persanes, qui se surprenaient avec ingénuité de la foi acquise et inébranlable des Parisiens du début du 18e siècle dans l’ordre établi.
Réalisé avec les moyens du bord – et le bord se fait de plus en plus abrupt, …Notes sur l’OMC a ainsi l’immense qualité de présenter de manière équitable les prêcheurs et les insoumis de ce système, dynamique absente de plusieurs documentaires sur le même sujet. Car comprendre les enjeux de la minorité dominante enseigne autant sinon plus sur les moyens qu’a la majorité de récupérer une partie de la richesse en circulation que de strictement montrer des ressortissants en colère. L’exposé peut paraître long et décousu, mais s’avère essentiel pour lire entre les lignes des parti-pris.
© 2007 Charles-Stéphane Roy