de François Kohler
2006
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
S.O.S. VIRILITÉ
Doc Mailloux en moins, Guy Corneau en plus, Le souffle du désert ressemble à un Loft Story à ciel ouvert dans lequel tous les tabous masculins ont été soumis au ballottage.
Dans le désert saharien, 13 hommes luttent contre le vent et la chaleur en quête de réconciliation avec leur passé, leur condition et leur sexe. La plupart d’âge mûr, ces individus participent à cette caravane introspective accompagnés du docteur Alexis Burger avec l’intention de se mettre à nu (au propre comme au figuré) et d’affronter leurs propres limites émotives, leurs inhibitions et leur violence.
Qu’ils soient Suisses, Français, Belges ou Québécois, riches ou pauvres, cultivés ou autodidactes, tous incarnent à leur façon le mâle contemporain, le dernier mal occidental, le tourment de celui qui a grandi sous influence matriarcale, de celui pour qui la femme est un loup pour l’homme, de celui qui a contribué au fonds de pension de l’auteur de Père manquant, fils manqué, de celui qui se tourne vers Réseau Hommes Québec. Que les producteurs du documentaire se soient déjà accomplis dans Chaos de Coline Serreau et La débandande de Claude Berri n’est sûrement pas le fruit du hasard non plus : cela témoigne bien au contraire d’une préoccupation toujours populaire, propre aux générations des Boomers et des X. On s’y reconnaît ou pas.
Le souffle du désert s’enfonce dans une odyssée archipersonnelle sous l’œil d’une caméra souvent confessionnelle, témoin plus ou moins discret au service d’une étrange thérapie durant laquelle les vieux rites primitifs du corps à corps servent, nous dit-on, à évacuer la virilité réprimée dans l’arène clanique et réveiller la conscience de la maîtrise de sa destinée au-delà du couple et du champ social.
Le ring intérieur voulait aussi donner l’espace nécessaire et civilisé à la rage de l’homme. À l’autre bout du ring, Micheline Lanctôt déboulonnait dans Le mythe de la bonne mère le mythe de la femme-mère à coups de déceptions et de coups de gueule. Avec une pudeur et des symboles opposés, tous posent néanmoins le même constat accablant sur la pression de ne pas forcer leur place respective dans le grand schéma de la vie en modernité. Constructif, Le souffle du désert l’est assurément. Pertinent? Sondez plutôt votre animal intérieur.
© 2007 Charles-Stéphane Roy