de Carole Laganière
2006
Paru dans la revue Séquences
Derrière les chemises kétaines, les accessoires encombrants, les airs de yodeling à l’unisson, la vieillesse polie et pas regardante, les danses en lignes, le rodéo flamboyant, les parties de luttes improvisées sur des terrains de baseball, la marée de chaises de parterre, les bingos sous chapiteau, les achy breaky messes en plein air et les parades de bétail, la documentariste Carole Laganière a débusqué une communauté composée de gens simples, le cœur gros comme un méchoui et la tête à la fête.
Car il faut comprendre que les 200 000 fans arpentant chaque année St-Tite, Acton Vale, les foires agricoles et les festivals country n’y participent pas particulièrement pour la musique, la bouffe, l’ambiance et le costume, mais plutôt pour découvrir ou retrouver leurs semblables, animés du même instinct grégaire. Ce qui frappe un certain imaginaire urbanisé, nourri par des icônes western soit desperado, soit pied-tendre, kitsch finis. Ceux de Country n’appartiennent ni à l’un ou à l’autre : ils ne font que chanter l’amour, prêcher le partage et danser leur joie de vivre. Venus des quatre coins de la province, ils sillonnent une route balisée qu’ils connaissent par cœur, pressés de revoir ceux qu’ils ont quittés la saison précédente. Laissez les bons temps rouler!
Le film de Carole Laganière nous siffle un refrain connu, celui des portraits de solitude que la télé et le cinéma négligent. Et c’est justement pourquoi tant de personnes âgées trouvent refuge dans la cabane western : le rythme de la campagne apaise et les chansons touchent aux valeurs essentielles que les métropolitains plus verts ne comprennent pas, comme l’explique J.C. Lauzon, l’un des convertis interviewés du film.
Mais tout ça, on s’en doutait un peu, et le film n’en donne guère plus. Le guitariste masqué, la tireuse de bonne aventure, le rodéaste compatissant; c’est divertissant, mais on aurait souhaité de Country qu’il nous mène à réfléchir sur les phénomènes de ces attroupements RV, le recours à la thématique du Far West chez des adeptes qui semblent n’avoir jamais enfourchés une monture de leur vie, choses que Je chante à cheval avec Willie Lamothe, autre poulain de l’ONF, illustrait avec une vigueur certaine.
© 2007 Charles-Stéphane Roy