de Jacques Audiard
2006
Paru dans la revue Séquences
Quatrième long métrage de Jacques Audiard, De battre mon coeur s'est arrêté suit la voie de la progression plutôt que celle du changement et marque de façon nette le cheminement précis d’une voix âpre et solidaire dans le cinéma français. Âpre par le ton rude de ses situations, et solidaire lorsque le cinéaste s’applique à observer l’envers du viril. Et de la virilité, son plus récent film n’en manque pas, surtout cette virilité juvénile des grands hommes qui s’interpellent systématiquement par la voie de l’affrontement et des petites frappes autoritaires ou incontrôlables qui méprisent femmes et boulots.
Tom a mariné depuis sa sortie des bancs d’école dans cet univers d’hommes, celui des magouilles immobilières, toujours à la limite du déontologique, en réglant son pas sur celui de son père, un ogre familial qui se satisfait à lui-même tout en exigeant de Tom le service après-vente de ses discutables opérations. Mais voilà, sa mère l’avait mis sur la voie de la musique avant son décès prématuré, et Tom se remet à pratiquer le piano d’abord par nostalgie, ensuite pour délaisser peu à peu la violence de son quotidien. Avec l’aide d’une étudiante asiatique incapable de prononcer un mot de français, Tom s’engage avec effort et caractère dans l’âge adulte, et la transition sera loin d’être gracieuse.
Titré à partir d’une ligne de la chanson « La fille du père Noël » de Jacques Dutronc, De battre mon coeur s'est arrêté n’aurait plus rien à voir avec l’obscur Fingers que l’Américain James Toback a réalisé en 1978, qu’Audiard décrit comme étant « la queue de la comète du cinéma indépendant américain des années 70 ». Loin derrière Un héros très discret, le film tempère la méthode Audiard/Benaquista, peut-être un peu trop même, si bien qu’il n’engendre rien de trop neuf dans un genre déjà achalandé.
© 2007 Charles-Stéphane Roy