de Saul Metzstein
2006
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
COMBATTRE SUR LA TOUCHE
L’un des rares films de la compétition du FIFM de Spectra à se retrouver sur nos écrans, Guy X fait entrer l’armée au sanatorium. Rencontré lors de l’événement, le cinéaste Saul Metzstein nous a expliqué comment survivre en temps de paix.
Quatre ans après la guerre du Vietnam, un soldat américain se fait éjecter d’un avion militaire près de la base de Qangattarsa au Groenland. L’endroit est classé top secret par l’armée, et ceux qui vont à la rencontre de notre pauvre larron s’adressent à lui en l’affublant d’un nom qu’il n’a jamais entendu auparavant. Pire encore, sa découverte d’expériences médicales avec des vétérans hors service l’incite à décamper au plus vite… mais pour aller où?
Lancé comme ça, la prémisse de Guy X, le second long métrage de l’Écossais Saul Metzstein (Late Night Shopping) a de la graine des classiques de guerre absurde – Catch 22, M*a*s*h*, Slaughterhouse Five ou Johnny Got His Gun. Même la tête semi-afro de Jasons Biggs (celui qui ensemençait des desserts dans American Pie) semble emprunter le look magnum de l’inimitable Elliot Gould, tête forte qui oeuvra dans de nombreux bataillons retors. Comment alors l’opération Guy X échoue-t-elle à se distinguer de ses prédécesseurs ? Une pénurie d’urgence et d’attitude, mamelles du pamphlet antimilitaire, a tôt fait de miner le moral des troupes.
En situant son récit à une époque révolue (1979) et un contexte où l’alarme sonnait ailleurs, les démêlés de Martin Pederson/Rudy Spruance devaient incidemment forcer la note comique pour arrimer un maximum de spectateurs sans les perdre dans le décor de la fin de la Guerre froide. Ce qui n’est plus drôle une fois dépassé l’absurdité de la situation initiale, au grand dam de la distribution, qui s’était pourtant passé le mot pour jouer avec aplomb. Jeremy Northam, suave bête de vers shakespeariens, est méconnaissable dans le rôle d’un caporal mi-saoûl, mi-fou ; Michael Ironside est ressuscité d’entre les morts pour nous faire regretter de l’avoir bafoué dans tellement de films conçus pour les clubs vidéos, et Jason Biggs s’ouvre à des champs tragicomiques plus convaincants que dans Anything Else. Son cas a nécessité un certain effort d’imagination de la part du cinéaste.
« Jason n’était pas dans mes premiers choix, mais dès que son agent a entendu parler du projet et me l’a proposé, le rôle du soldat sans nom a pris ses traits dans mon esprit, avoue Metzstein. Il joue quelqu’un d’anti-héroïque, et contrairement à ce qu’il a fait dans ses comédies, Biggs est peut-être le personnage le moins drôle dans Guy X; il est souvent dépassé par les événements, ou carrément le dindon de la farce! »
Tournés à Saint-Hubert et en Islande, les extérieurs sauvent parfois la mise de Guy X grâce en partie à la direction photo de François Dagenais (A Silent Love). Mais avec autant de pays impliqués (pas moins de 18 producteurs sont associés de près ou de loin au projet) et aussi peu d’action, Metzstein lui-même a ramé pour mener le film à terme. « La logistique est difficile car les équipes ne travaillent pas toutes de la même façon, explique le cinéaste. Mais j’étais complètement absorbé par le scénario, qui, faisant fi du genre, ne comporte aucune scène de combats. » Guy X reste ainsi une curiosité, pas assez déglinguée pour encourager la désertion, ni assez inspirée pour aller envahir un pays.
© 2007 Charles-Stéphane Roy