de Ericson Core
2006
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
ÉPOPÉE PROPRE
Invincible transforme une histoire vraie en pub sportive sans vigueur
Quel est le véritable enjeu d’Invincible ? Réhabiliter l’exploit de Vince Papale, ce barman de Philadelphie devenu joueur partant pour les Eagles du jour au lendemain ? Améliorer l’image de la NFL ternie par les dossiers criminels de ses vedettes ? Ou simplement faire de la promo croisée pour le distributeur du film Buena Vista et le réseau de télé ABC (qui présente le Monday Night Football depuis toujours), deux propriétés de Disney ?
Nul doute que l’évidence sur papier de cette équation promettait de faire plusieurs heureux. Mais c’était sans compter sur un fait implacable : on ne peut tromper les amateurs de football. De tous les gérants d’estrades des sports professionnels américains, ce sont les plus pointilleux, hargneux, indécrottables, obsessifs et impardonnables. On ne peut s’imagine leur réaction à la vue de ce Invincible lisse, lisse, lisse qu’en craignant le pire.
En 1970, Philadelphie était habitée par des chômeurs alcooliques, des tensions raciales pourrissaient le climat social, la frivolité et la décadence étaient visibles dans toutes les sphères sociales et la moustache connaissait son dernier sursaut de popularité. Rien de cela n’apparaît pourtant dans le film d’Ericson Core, directeur photo monté ici en grade: personne ne fume dans les bars, personne ne sacre dans les quartiers populaires et les sans-travail noient leur peine dans… du café. Sans surprise, le grand aspirateur Disney a nettoyé tout ce qui aurait pu mettre en péril l’obtention de la cote PG.
Même au-delà de ces considérations réalistes, il faut questionner la présence des deux acteurs principaux : le toujours placide Mark Wahlberg et le schématique Greg Kinear n’ont manifestement pas le charisme nécessaire pour soulever les passions. D’autre part (et plus étonnant encore), le scénariste nous présente un Papale toujours à côté de ses pompes, indécis et peu enclin à devenir le héros du peuple. On est loin de la détermination exaltée de Rudy ou de Friday Night Lights, les pinacles du genre. À vaincre sans péril…
© 2007 Charles-Stéphane Roy