de David Ray
2006
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
FAUT-IL QUE JEUNESSE SE REPASSE?
Fetching Cody : de la science-fiction indépendante canadienne plus proche de la farce que de la tragédie.
De prime abord, réunir une prostituée juvénile, un junkie, un clochard, un gay qui se fait éclater la cervelle et une machine à remonter le temps dans une comédie pour ados tournée en vidéo n’est pas la proposition la plus rassurante qui soit. Fetching Cody caressait l’ambition de rejoindre un public jeune avec un film fantastique qui illustrerait la réalité de Downtown Eastside, le quartier le plus paumé de Vancouver… et du Canada. Si la gageure était manifestement casse-gueule, l’approche l’est encore plus.
On parvient toutefois à s’attacher à Art et Cody, un dealer de drogues junior et sa copine tailleuse de pipes. Une overdose trop tard, Cody tombe dans un coma qui pourrait être fatal. Désemparé, Art s’en remet à un vieux collectionneur de détritus qui lui offre d’essayer sa machine à remonter dans le temps. Incrédule, Art profite de sa découverte pour visiter Cody avant sa fugue et sa descente aux enfers. Il rencontre tout au long de son odyssée rédemptrice des parents intransigeants, un frère suicidaire, des copines de classe aux répliques assassines; bref, le cursus de rigueur des délinquants précoces, du moins au cinéma. Ce que Art ne peut mettre en cause, c’est sa propre implication dans les déboires de la fille dont il est amoureux fou. N’y a-t-il pas de plus grande marque d’affection que celle de sacrifier ses sentiments envers l’être cher pour lui permettre de continuer à vivre?
Certes, les jeunes de la rue ne se retrouvent pas assez souvent sur les marquises des cinémas, et encore moins dans des films grand public. Mais comment prendre au sérieux leurs difficultés lorsque celles-ci sont schématisées, voire même ridiculisées – bien malhabile que ce bout de cervelle rebondissant au pied d’Art après le suicide du frère aîné de Cody, un gay refoulé – à des fins strictement divertissantes? Filmé sans imagination, Fetching Cody laisse parfois entrevoir le talent du Canadien Jay Baruchel, petite tête brûlée qui, entre une mer de jurons, parvient à injecter un minimum de spontanéité à ce ramassis d’idées manifestement inconciliables.
© 2007 Charles-Stéphane Roy