de Spike Lee
2006
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
BRIC-À-BRAQUAGE
Du n’importe quoi pas fait avec n’importe qui, Inside Man est la plus improbable machine à vendre du pop corn qu’ait osé Spike Lee.
Inside Man est un film destiné à une Amérique sans World Trade Centre, prise entre des émotions paradoxales : le besoin de rire, d’expier sa crainte de la différence, de se souvenir et de ne surtout pas s’enfarger dans les détails. Mission… possible pour Spike Lee, l’afro-renégat états-unien à la recherche d’un succès depuis on ne se rappelle plus quand. À première vue, Inside Man a plus à voir avec Sneakers que Malcolm X, John Shaft que Sidney Lumet. Puis comme l’humour et les tensions culturelles émergent des nombreux personnages plus intéressants par leurs caractères que leurs motifs, on se dit que ça a finalement peu à voir avec le film de voleurs conçu en laboratoire hollywoodien, qu’on a plus affaire avec le New York du peuple que celui du bureau de tourisme ; bref, voilà un authentique « joint » de Shelton Jackson Lee – « Spike » pour les étrangers.
Pour peu qu’on se foute de la banque, des otages, de l’organisation désinvolte et d’un quelconque espoir de tension à son paroxysme, Inside Man livre la marchandise, certainement tout croche, mais non sans nous faire complètement oublier la journée à l’usine. S’ouvrant sur l’air de « Chaiyya Chaiyya », un hit en vogue… à Bollywood, le film suit des faux cols bleus mettre la main sur une banque, son personnel et ses clients. Les forces de l’ordre et la télé se pointent, on demande un jet et chacun abat ses cartes dans les règles de l’art. Intervient une cynique executive sur les lieux du crime venue s’entretenir librement avec les hommes masqués à l’intérieur de la banque : le proprio des lieux veut récupérer le contenu d’un casier du coffre-fort quitte à laisser les voleurs se pousser avec tout le reste. Tout est en place pour une finale explosive, mais il n’en sera rien, Inside Man a d’autres plans en tête.
Voir Denzel Washington, Jodie Foster, Willem Dafoe, Clive Owen et Christopher Plummer dilapider ainsi leur prestance dans cette étourderie à la prétention inversement proportionnelle à ses moyens aurait pu décevoir, mais l’ami Spike a réussi pour une fois à convaincre tout son monde qu’il est préférable de chiller. Chaiyya Chaiyya, man.
© 2007 Charles-Stéphane Roy