mardi 17 juillet 2007

Critique "Les voleurs d’enfance"

Les voleurs d’enfance
de Paul Arcand
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


LEUR SOUFFRANCE EN CINÉMASCOPE

Entre la faiblesse du taux de natalité et la retraite des baby-boomers, les enfants meurtris font rarement les manchettes. Paul Arcand y a remédié. On lui a posé de « vraies questions ».


Ça va crier chez les associations professionnelles : après que des comédiens se soient lancés dans la réalisation de fictions pour grands écrans, voici qu’un animateur vedette fait le même saut en documentaire. Inutile d’en rajouter sur ce débat à deux vitesses (Richard Desjardins aux commandes de L’erreur boréale, ça avait froissé qui, au juste ?) et portons notre attention sur un fait autrement plus important : le retour en force du documentaire sur pellicule en salles (tiré à 69 copies, près du double de Farenheit 9/11) est quelque chose de réjouissant, et quand bien même Les voleurs d’enfance ne fait pas dans le gracieux ou le subtil, ses dividendes auprès des victimes d’abus infantiles, comme celles dans la revalorisation d’un genre difficile à faire circuler, ne sont pas à négliger.


Tout Québécois télévisuellement constitué reconnaît de vue ou d’ouïe Paul Arcand, le tordeur de langues de bois à la tête de plusieurs entrevues exclusives. On comprendra pourquoi la productrice Denise Robert a recruté le journaliste au style bulldozer lorsque des histoires sordides de maltraitance ressurgirent au casting de son remake à thème Aurore. Les cas d’abus sexuels, physiques ou simplement psychologiques demeurent toujours légion en l’an de grâce 2005, et le petit écran n’est peut-être plus une tribune adéquate pour aborder en profondeur une telle problématique.


« Denise souhaitait que ce sujet bénéficie de la visibilité et des moyens mis à la disposition des longs métrages documentaires, car même si la télé rejoint un plus large public, il reste qu’un tel sujet serait tombé entre deux chaises par le réflexe qu’ont les gens de changer de poste lorsque ça devient plus perturbant », estime Arcand, rencontré quelques heures avant de fouler le tapis rouge. « Et il ne faut pas oublier que la pérennité d’un film est plus propice à déclencher des débats que celle d’une émission. J’ose croire que Les voleurs d’enfance servira dans plusieurs années de témoin pertinent à la situation actuelle », espère Arcand.


On doute toutefois que le film ne passe à l’histoire pour ses qualités esthétiques ou sa méthodologie toujours à deux doigts du pointage de ; c’est plutôt dans sa critique féroce des failles de la DPJ que le documentaire s’avère le plus intéressant, démontrant d’illustre façon les délais, les déséquilibres et égarements bureaucratiques d’un système désormais au service du système plutôt que des individus qu’il est sensé protéger.


« Aucun rapport consulté ne questionnait les failles de la Loi sur la protection de la jeunesse déposé par René Lévesque depuis 25 ans, et il fallait absolument retourner sur le terrain voir l’état des lieux, car les gestionnaires ne le font plus pendant que les victimes subissent une seconde agression lors de leur isolement en centres jeunesse, où on les traite comme des délinquants », signale l’animateur. Bien que ses interventions justicières fassent grimacer, Arcand amène à ce film impersonnel des questions frontales et quelques réflexions en montage parallèle plutôt probantes. À visionner avec votre député.


© 2007 Charles-Stéphane Roy