mardi 17 juillet 2007

Critique "Layer Cake"

Layer Cake
de Matthew Vaughn
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


TIREZ SUR TOUT, MAIS SURTOUT TIREZ

Pour l’atmosphère hémoglobine et boutons de manchettes, Layer Cake n’a pas son pareil. Mais quand des truands dissertent plus qu’ils ne combinent, ça tourne rapidement en rond.


Un film de gangsters qui capitalise sur un plan foireux dès la cinquième minute, c’est mauvais signe, surtout lorsqu’on nous jure que ce sera "une dernière mission avant la retraite". Une narration pleine d’attitude et de désenchantement n’a rien pour convaincre davantage. Des chansons kitsch en juke-box utilisées en contrepoint dramatique, ça fait grincer des dents depuis Jackie Brown. Et lorsqu’on retrouve le producteur de Snatch aux commandes après le refus de Guy Ritchie, on se renfonce plus que jamais dans notre siège. Surtout que Layer Cake, dernière poussée vaseuse de cette nouvelle vague britannique de plombs lourds, comporte plus que sa part de petits malfrats dans les pattes, de jurons décoratifs et de lieutenants faussement sophistiqués répondant à des patronymes aussi évocateurs que The Duke ou Tiptoes.


Le passeur anonyme incarné par Daniel Craig cultive une philosophie petit bourgeois sur l’art d’arnaquer : renseignez-vous convenablement avant de détrousser votre prochain, faites payer rapidement vos débiteurs et demeurez à tout prix au milieu de l’échelle, ni pantin, ni parrain, si vous souhaitez survivre et prospérer dans ce commerce fratricide. Il voudra même vous convaincre que les gangsters font des gestes calculés et qu’il serait faux de croire que tous sont des écervelés finis. En fait, c’est plutôt entre deux casses que ça se corse : avec pareil horaire coupé, les bandits pigistes n’auront tôt ou tard d’autre choix que prendre leur pied au volant de rutilants bolides cigare au bec, et, pour les moins futés d’entre eux, renifler un maximum de leurs profits.


Grave erreur, surtout lorsqu’on n’est pas invité sur les étages supérieurs où se décide quotidiennement qui tombera, et de quelle hauteur. Passe encore notre plaisir à retrouver ici Michael Gambon et l’impayable Colm Meaney, mais à force de tout multiplier par trois (intrigues, flashbacks, tons), Layer Cake perd des joueurs et nous met K.O. avant même qu’on ait voulu y comprendre quoi que ce soit.


© 2007 Charles-Stéphane Roy