de Michael Dowse
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
EARBANGER
Après avoir manigancé un cancéreux métal dans FUBAR, Michael Dowse nous invente un DJ sourd. Rencontre avec le dernier des Crazy Canucks.
D’entrée de jeu, un intertitre tend une première ligne : “tiré d’une histoire vraie”. Survient ensuite une bio complètement patraque menant au générique initial, éblouissant. Hein ? Dès lors, on se demande si on a bien affaire… à un film canadien ! Avec ses scènes volontairement racoleuses et sa mise en scène relaxe, It’s all gone Pete Tong jure avec le vague à l’âme retenu ou les bébites sociales qu’affectionnent certains de nos cousins anglos.
Et n’a plus grand-chose à voir avec le premier long métrage du Canadien Michael Dowse, le fauché et mémorable FUBAR, sinon quelques apparitions des headbangers Terry et Dean, devenus ici des chantres façon Stryper, et du laconique docteur S.C. Lim… toujours dans son propre rôle. À part ça, Dowse donne toujours dans le faux documentaire sur des parfaits couillons obligés de se prendre en main suite à d’improbables troubles de santé. Avec Frankie Wilde, DJ cocaïnomane et messianique, le petit monde de l’industrie de la musique n’en prend peut-être pas pour son rhume, mais n’en est pas moins quitte pour une jolie petite toux.
It’s all gone Pete Tong (littéralement “tout fout le camp”) monte de toutes pièces la légende de Wilde, un énergumène qui manie des platines à Ibiza, où règne un perpétuel spring break. Déifié par les riches ravers de l’île espagnole, Wilde est allé jusqu’à s’autoproclamer le “Imelda Marcos des flip-flops”, s’enorgueillissant d’une cour de dépravés communiant aux bacchanales et à la poudre. La machine tourne rondement jusqu’à ce que les tympans de Wilde lui fassent faux bond – un DJ sourd, ça n’excite plus grand monde. Exit sa femme, son gérant et sa cohorte de fans : son seul ami demeure un blaireau de sept pieds accoutré d’un tablier rose et d’une baguette de fées (prends ça entre les dents, Donnie Darko), qui l’entraîne à s’enfoncer toujours un peu plus dans un délire à la Howard Hugues, période Vegas.
« C’était mon pied de nez à tous ces Requiem for a Dream qui se complaisent à montrer la toxicomanie avec des images vraiment éculées, genre position foetale. Je préfère de loin les allégories plus visuelles comme Sexy Beast ou Harvey, une référence du genre », s’exclame Dowse. Devenu sourd, Wilde reprendra pied en filtrant la vibration des haut-parleurs pour enregistrer de la musique sans entendre un seul son, à la manière du travail de la percussionniste écossaise Evelyn Glennie.
Tout en surexcitant nos sens et notre raison, on aurait certes souhaité au film plus de mordant et un dernier acte moins fleur bleue. Inutile donc de chercher ici de grandes réflexions sur les cultures de dudes et de clubs : IAGPT est avant tout un divertissement mélocomique qui s’assume, au service de l’exubérant Paul Kaye, connu jusqu’ici pour son personnage Dennis Pennis sur les ondes de la BBC. Avec sa tronche à la Peter MacLeod, ses yeux fous, ses dents en or pourries, son insupportable accent cockney et sa nonchalance débonnaire, le comédien endosse le rôle à la perfection. « Kaye s’est vite imposé lors du casting ; sa morphologie capte immédiatement votre attention, et sa créativité lors des improvisations a considérablement enrichi l’histoire. Il a même utilisé sa propre garde-robe ! », remarque Dowse.
Mais qu’en pensent donc les principaux concernés ? « Une projection londonienne fut réservée aux DJ, qui ont tous très bien accueilli le film », avoue un Dowse visiblement satisfait. « Ils n’étaient nullement vexés par ma peinture de leur milieu, bien au contraire – les plus endommagés y ont même vu un avertissement contre les abus sonores ! » Comme quoi, même si Dowse ne nous aura finalement pas monté en bateau, il pourra une fois de plus s’attribuer le mérite d’avoir renfloué avec style et folie quelques épaves au passage.
© 2007 Charles-Stéphane Roy