de Curtis Hanson
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
J’AIME, J’ACHÈTE
In Her Shoes a le pardon difficile mais filles et garçons auraient intérêt à lui tendre l’œil. Shirley MacLaine et le cinéaste Curtis Hanson nous parlent rachat compulsif.
In Her Shoes pourra-t-il transcender l’appellation « chick flick » qui lui colle à la peau pour rejoindre un large public? Il serait souhaitable que oui, mais rien n’est moins sûr pour cette adaptation du livre de Jennifer Weiner interprétée par Cameron Diaz, Toni Collette et Shirley MacLaine. Ce n’est pas tout à fait Drôles de dames, disons. Étonnamment, la réalisation a échoué entre les pattes de Curtis Hanson, dont les L.A. Confidential et Wonder Boys ne laissait de guère de place aux femmes. Comme d’habitude, le cinéaste passe-partout a chaussé In Her Shoes comme de familière pantoufles et s’est même permis de montrer de nouvelles facettes de ses trois icônes au passage. « J’avais ces actrices en tête au moment du casting, et lors de nos premiers essais, c’était comme si je les redécouvrais pour la première fois, s’est remémoré Hanson après la première au Festival de Toronto. J’ai parfois été d’une franchise brutale avec mes comédiennes, car je désirais qu’elles projettent autre chose que ce à quoi les médias ont fait d’elles, surtout Shirley (MacLaine).»
Et la papesse de l’exubérance lui a donné raison, dans ce qui s’avère sa performance la plus mémorable depuis Postcards from the Edge. Autant dire un pontificat. MacLaine incarne une retraitée dont les vieux jours sont perturbés par l’arrivée inattendue de sa petite-fille (Diaz) en brouille avec sa sœur aînée (Collette). Le hic est que celles-ci viennent tout juste d’apprendre que leur grand-mère n’était pas morte et avait beaucoup à leur apprendre sur leur propre mère, décédée dans des circonstances nébuleuses avant qu’elles n’atteignent la maternelle. Les retrouvailles seront aussi éprouvantes que vivifiantes pour ces trois femmes en mal d’hommes.
« Les émotions des personnages touchent à des parties que l’on dévoile rarement, très intimistes et éloignées des rôles flamboyants qu’on a pris l’habitude de me proposer, soutient MacLaine en échangeant un sourire avec Hanson. Nous avons besoin de ce type de film et de cette authenticité qui fait tant défaut dans “l’icontainment” qu’Hollywood nous sert à satiété. » On lui donne tout à fait raison à propos d’In Her Shoes qui, sans rien chambouler, capitalise sur une sincérité émotionnelle trop rare pour n’intéresser que les adaptes de talons-aiguilles. « J’ai été interpellé par le scénario, qui m’a ému et m’a fait rire aux larmes, renchérit Hanson. Je me suis identifié à ces personnages féminins parce qu’elles vivent et ressentent les même choses que les hommes. À ce propos, ma mère fut profondément émue après avoir vu In Her Shoes et m’a avoué qu’elle avait trouvé là mon meilleur film car il était le plus universel ».
On peut dire la même pour MacLaine, éblouissante de justesse. « À 71 ans, je n’ai plus besoin de faire grand-chose; je dois avoir intuitivement développé l’art de me réinventer, car comment expliquer ces performances autrement que par une sagesse et une force intérieure? », grimace l’actrice. Et des plaisirs honnêtes et indémodables comme celui-ci, l’ensemble en possède plein ses garde-robes.
© 2007 Charles-Stéphane Roy