mardi 17 juillet 2007

Critique "Red Eye"

Red Eye
de Wes Craven
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


AIR TRAQUENARD

Alors que l’embarquement annonçait de prometteuses turbulences, voilà que Red Eye égare les bagages de Final Destination pour se retrouver avec ceux de True Lies. Un Wes Craven en transit.


Ce n’était qu’une question de temps avant que Hollywood ne capitalise sur la paranoïa des Américains à prendre l’avion; coup sur coup, les anxieux des airs auront droit à quelques vols directs en mode terreur avec Flightplan (fin septembre) et Red Eye, tour de piste exempt de terroristes et de décalages vers le morbide propres à Wes Craven. C’est que le réalisateur du ridicule Shocker aime jouer au sociologue de sofa, sans autre prétention que celle de faire grincer un peu plus encore les portes de l’horreur. Dans le genre, Craven reste, tout comme John Carpenter, l’un de ses cols bleus parmi les plus émérites; son aura est demeurée presque intacte grâce à quelques bons coups aussi significatifs que sporadiques, disséminés entre plusieurs projets alimentaires.


En fait, Craven tasse la compétition une fois par décennie – Last House on the Left (1972), Nightmare on Elm Street (1984) et Scream 12 ans plus tard – le reste du temps, il se contente d’apposer sa signature comme gage de « qualité » sur des jambons – autrement, qui chérirait le souvenir de Dracula 2000 ou Wishmaster ? Cursed a récemment prouvé que Craven n’avait plus de griffes la nuit, mais si l’inspiration ne l’a toujours pas abandonné, il resterait bien cinq bonnes années au vieux bum avant qu’il ne nous livre une histoire de feu de camp bien dégorgée. Ne comptez pas toutefois sur l’archiconventionnel Red Eye pour marquer une quelconque évolution.


Craven a fait monter sur le vol de nuit reliant Dallas et Miami une coquette serviable et un bourreau des coeurs. Mieux, on les a mis sur la même banquette afin qu’ils puissent se connaître davantage. Fallait pas : côté hublot, la demoiselle supervise le séjour des vacanciers pour un luxueux hôtel, tandis que côté couloir, le gentleman assassine des politiciens. Avec un charme de vipère, celui-ci exige de sa voisine un changement de chambre mortel destiné au Secrétaire à la défense nationale contre la vie de son père, surveillé à distance par l’un de ses hommes de main. Manque de pot, la voyageuse au sourire figé a suivi des formations en gestion de crise et ne manque pas de ressources. Faut faire vite, et discrètement… mais pourquoi, au juste ?


Carl Ellsworth, un plumitif habitué à puncher à l’usine Buffy, s’est retrouvé en charge de ce scénario fautif, pris à contourner la règle élémentaire derrière l’art de la peur : keep it simple. C’est tout un nid de couleuvres qu’on voudrait nous faire avaler. Pourquoi ne pas se manifester à l’équipage lorsque le méchant est en infériorité numérique? Fallait vraiment faire déplacer la cible quand on planifie s’en débarrasser au lance-roquette? Et une scène en soutien-gorge, c’est encore nécessaire, Wes ? Dommage pour Rachel McAdams, l’efficace doublure officieuse de Jennifer Garner durant son congé de maternité, et Cillian Murphy qui, avec son regard pénétrant et ses traits ciselés aux Wüsthof, est en passe de devenir le nouveau Udo Kier. Encore d’autres excédents de poids du genre et le pilote Craven n’arrivera plus à décoller.


© 2007 Charles-Stéphane Roy