mardi 17 juillet 2007

Critique "Jimmywork"

Jimmywork
de Simon Sauvé
2005
Paru dans la revue Séquences


Objet inattendu, subversif et insaisissable que ce premier film de Simon Sauvé, un modèle de cinéma D.I.Y. québécois émergeant des eaux troubles et nauséabondes du feuilleton de cuisine trash avec son voyeurisme à la My Diner With Weegee de Cumming et sa folie ordinaire digne du Voleur vit en enfer de Morin.


Pendant quatre ans, Sauvé filme et enregistre la voix grumeleuse de son ivrogne de voisin, prêt à le suivre sans s’interférer dans ses plans foireux et ses impossibles galères. Le récit dérape à mi-chemin quand Jimmy tente de se venger d’une organisation régionale qui n’a pas mordu à l’un de ses hameçons poisseux; Sauvé semble dès lors se désengager de toute complicité morale durant l’ébauche et l’exécution de l’opération en question. Le cinéma vérité cède progressivement sa place au cinéma mensonge tandis que la réalisation développe d’opaques intentions invitant le spectateur à gentiment s’insurger devant le grotesque de l’entreprise.


Bien avant d’avoir pu bénéficier du soutien financier de l’État aux seules étapes du transfert sur pellicule et de la promotion, Sauvé avait tout initié seul, sans plan défini, en se laissant guider dans un premier temps par le réel pour mieux le pervertir par la suite. Les puristes de fiction et de documentaire y verront un parfait exemple de ce qui ne doit pas être fait – ou défait, mais considérons plutôt ces grinçants glissements de genre comme un salutaire dégraissage du cinéma direct, véritable chasse gardée d’authenticité québécoise.


Peu importe si l’épilogue et certaines transitions ne possèdent pas l’impact dramatique du premier acte, il reste que le mal est fait : voilà enfin un long métrage d’ici qui ose, qui se fout d’un peu tout le monde et qui frappe là où ça ne faisait plus mal depuis trop longtemps. Joyeusement malsain, Jimmywork est surtout un violent pied de nez fait au propret cinéma d’auteur habituellement cautionné par nos institutions culturelles ; même sous la gadoue, la caméra de Sauvé parvient à dégager de nouveaux horizons.


© 2007 Charles-Stéphane Roy