lundi 21 mai 2007

Rétrospective Guy Maddin à la Cinémathèque québécoise

Guy Maddin is alive and well and living in Winnipeg
2004
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


Prenons des nouvelles du Faust des Prairies avant qu’il ne fasse
beaucoup de blé


Dans la foulée de sa plus récente résurrection, la Cinémathèque québécoise propose une rétrospective de Guy Maddin, devenu l’exportation no. 1 de Winnipeg depuis Dale Hawerchuck et le possible fantasme artsy de Sheila Copps. Où osa-t-on mythifier avec autant d’enthousiasme et de perversion l’épidémie de variole à Gimli (Manitoba), la présence de nos soldats errants au goulag d’Arkhangelsk (Russie) ou des Maroons, l’équipe locale de la Northern League, sinon dans ces Minutes du patrimoine pour érotomanes nitratophiles ?


Oubliez la retenue clinique torontoise : dans la capitale manitobaine, les nuits sont peuplées de maladies suspectes, de triangles amoureux expressionnistes et d’impressionnants débits de boisson. Celui que l’on compare à tort à un David Lynch paralysé entre Eraserhead et Elephant Man, au troisième Brother Quay ou, au mieux, à un Tim Burton qui s’assume, est généralement accusé de sacrifier la substance à la faveur d’un formalisme triomphant.


« J’aime me considérer comme si amoderne que je deviendrais intemporel, et à la fois comme le plus moderne de tous !, s’exclame Maddin. J’ai souvent été décrit comme étant le plus accessible des cinéastes expérimentaux, et bien qu’étant Canadien, j’essaie de créer des situations universelles. » Et quand bien même il se crèverait les rétines des pellicules de F.W. Murnau, Douglas Sirk ou Jean Vigo, il parvient systématiquement à transcender ses influences.


Qu’on se le dise pour de bon : Guy Maddin est un véritable original, un vrai, et l’un des rares à accorder autant d’importance aux courts qu’aux longs – à preuve le renversant The Eye Like a Strange Balloon Mounts Towards Infinity (1994), qui n’est pas le titre du nouveau Godspeed You Black Emperor mais bien une commande de la BBC s’inspirant d’un film d’Abel Gance que Maddin n’a jamais vu ! « J’aurais souhaité produire plus de films muets, qui auraient rejoint un plus large public aussi, mais les temps évoluent. Les films ont appris à parler, et j’ai dû m’adapter moi aussi. J’ai eu à faire des ajustements similaires, quoique tardivement, à ceux des cinéastes des années 1930. Voilà un grand bouleversement pour moi, mais si l’Histoire doit se répéter, le meilleur reste à venir ! »


Le bonhomme n’est pas à une contradiction près : cet adepte des films muets avec dialogues et du gore préfère la liberté des petits budgets au 35mm tout en captant Isabella Rossellini au Super 8 dans le but avoué de passer à Ebert & Roeper… Un peu plus rock’n’roll qu’Egoyan, il faut avouer ! Si cette rétrospective cible les principaux jalons de sa filmographie, il aurait été intéressant d’inclure ici et là quelques vidéoclips, documentaires et autres commandes pour les télés d’État, histoire d’observer sa démarche artistique à l’extérieur de son fief. On doit enfin se demander vers quelle contrée ou quel major Maddin ira proposer ses prochains projets impossibles, alors que The Saddest Music in the World (2003) marquait un véritable aboutissement de ses penchants narratifs obtus et de son artisanat low-fi…


« Mes budgets ont augmenté relativement lentement, un peu à l’insu de tous, et la taille de mes différentes équipes de production ne m’a jamais empêché de concrétiser ma vision, avoue Maddin. Après tout, ce sont eux qui ont à s’ajuster à mon style, non pas l’inverse ! » Vous n’avez plus d’excuses pour éviter l’œuvre de ce conteur hors pair, et c’est d’autant plus nutritif que Sky Capitain. Mais si vous préférez également profiter des dernières chaleurs de l’été, les pierres de rosette régissant l’œuvre du maître du grotesque restent Archangel (30 septembre à 20h30), Careful (1er octobre à 20 h30) et The Heart of the World (6 octobre à 18 h 30).

Du 29 septembre au 7 octobre 2004 à la Cinémathèque québécoise.


© 2007 Charles-Stéphane Roy