lundi 21 mai 2007

Critique "Elvis Gratton XXX"

Elvis Gratton XXX: la vengeance d’Elvis Wong
de Pierre Falardeau
2004
Paru dans la revue Séquences


Suite à l’appel de Jean Chrétien, qui le somme de promouvoir l’unité canadienne, le " p'tit gars de Brossard ", toujours sans nouvelles de sa tendre Linda, converge vers le monde des médias et achète coup sur coup La Presse, Radio-Cadenas (sic) ainsi qu’une pléthore de magazines et stations de radio. Déjà-vu ? Bien sûr, mais dans le tordeur du birbe Pierre Falardeau, cette odyssée devient un fallacieux prétexte pour vomir du venin bon marché sur les critiques, le cinéma d’auteur, les contenus interchangeables et les commandites, entre deux blagues mal dégrossies et une vulgarité d’un océan à l’autre.


Les fans du premier chapitre auront tôt fait de bailler devant ce bric-à-brac sans tonus, amalgame des moments marquants de la série (apologie des splendeurs canadiennes, ruminations du collègue Méo, péripéties ergonomiques dignes des plus interminables films de Pierre Richard). Les autres passeront probablement leur tour en attendant les prochaines pièces de résistance du Falardeau en mode dramatique, plus concises et…subtiles.


Le film touchera réellement la cible à une seule occasion, soit lors de cette intervention forcée d’une téléspectatrice, prise littéralement dans une inondation fécale, qui n’hésitera pas à adresser à la caméra son dégoût face à l’insipidité des médias, leur intrusion et leur autosuffisance. C’est qu’à tant vouloir se rapprocher du bon peuple, les médias risquent que celui-ci se serve d’eux pour les dénoncer en bonne et dûe forme, ce qui est accompli dans cette unique scène avec véhémence et justesse.


Quoi qu’il en soit, il semble, pour le meilleur et le pire, qu’il faudra compter ponctuellement sur Gratton, tel un James Bond québécois, afin de venir (nous) sonner les cloches entre deux référendums. Si l’effet s’était estompé et s’enlisait déjà lors du second film, il demeure que ce porte-voix quasi patrimonial ne s’étouffera jamais dans la censure, devenu par la force des choses l’exception (ou le nanane) qu’offre Téléfilm Canada à la solitude francophone. Après tout, le creton fait bien partie du guide alimentaire canadien !


© 2007 Charles-Stéphane Roy