mercredi 9 mai 2007

Critique du livre «Pierre Falardeau persiste et filme» de Mireille La France

«Pierre Falardeau persiste et filme»
de Mireille La France
1999
Paru dans Ciné-Bulles


Miroir et mémoire de notre époque et de notre société, l’oeuvre du vétéran cinéaste Pierre Falardeau fait figure de plaidoyer contre l’oppression et l’aliénation sous toutes ses formes. Phénomène de persévérance dont la signature fielleuse ne rencontre que rarement l’unanimité, Falardeau demeure l’un des derniers réalisateurs québécois à prendre position face à des enjeux socio-politiques, et dont la démarche se compare avantageusement à celles de cinéastes engagés tels Fernando E. Solanas ou Jorge Sanjines. Mireille La France s’est entretenu avec cet homme responsable.


Ce projet est la synthèse de quelques trente heures de conversations entre l’auteure et le cinéaste effectuées en 1997. D’À Force de courage au 15 février 1839, Falardeau survole un parcours aux allures de chemin de croix, où le cinéaste élabore ses parti-pris artistiques, et où l’homme expose ses convictions idéologiques. Alors qu’envers et surtout contre tous, ce « lynx enragé « s’est fait taxé tour à tour de nationaliste petit-bourgeois, de populiste démagogique, d’agitateur public, d’anarchiste et de vulgaire simpliste, celui-ci se perçoit comme un intellectuel, un boxeur ainsi qu’un farouche défenseur du droit à l’expression.


Touchant à la fois au collage expérimental (Speak White), au pamphlet revendicateur (Le temps des bouffons), au documentaire sportif (Le steak), à la chronique historique (Octobre et bientôt 15 février 1839), à la caricature sociale (la série des Elvis Gratton ) ainsi qu’au drame carcéral (Le party), la filmographie de Pierre Falardeau se veut à la fois hétéroclite et cohérente, guidée par une quête de la vérité, souvent exprimée par le biais de l’humour.


Bien que le lecteur de «La liberté n’est pas une marque de yogourt» ne retrouvera que bien peu de renseignements complémentaires ou inédits, l’ouvrage de Mireille La France souligne toutefois la présence de Julien Poulin à l’élaboration du travail de Falardeau, du partenariat artistique à l’époque de la création de Pea Soup Films à sa présence devant la caméra; puis met l’accent sur les diverses sources d’influence sur la cinématographie falardienne (Pierre Perrault, Santiago Alvarez, Gilles Groulx, Jacques Tati, Georges Orwell, René Vautier, John Huston) ainsi que ses nombreux collaborateurs (Francis Simard, Gaëtan Hart, Richard Desjardins, Paul Buissonneault, les monteurs Michel Arcand et Werner Nold puis le directeur-photo Alain Dostie), à qui Falardeau exprime respect et admiration.


La France a de plus fidèlement retranscrit la parole de son sujet, parole dont on sent tantôt la fougue, tantôt l’humilité, mais toujours une passion pour son travail et celui de ses pairs. Il faut cependant souligner, malgré une connaissance manifeste de l’oeuvre et de ses ramifications, une certaine propension à la flatterie ainsi que quelques digressions d’une pertinence discutable. À défaut d’être mémorables, ces entretiens témoignent néanmoins de l’intégrité puis de l’importance de Pierre Falardeau au sein de la cinématographie québécoise.


© 2007 Charles-Stéphane Roy