lundi 21 mai 2007

Critique "The Clearing"

The Clearing
de Pieter Jan Brugge
2004
Paru dans la revue Séquences


La première réalisation du producteur Pieter Jan Brugge (collaborateur de Michael Mann, entre autres) tient d’une équation doublement mal balancée ; d’un côté, un solide trio d’acteurs, et de l’autre, la volonté louable de s’éloigner du thriller conventionnel afin de se rapprocher du drame psychologique. Le fait est que les performances se confinent aux archétypes respectifs de ces monstres sacrés qui se tirent d’affaire sans trop d’efforts, au service de dialogues polis eux-mêmes confinés à une histoire… trop polie.


Délimitant son récit autour de deux assises dramatiques quasi indépendantes, le film expose les contrecoups du rapt d’un millionnaire par l’un de ses employés, et les recherches qu’effectue sa femme avec l’aide du FBI. L’alternance entre les épisodes s’avère curieusement asymétrique et inconfortable dès la mi-parcours : alors que le temps-écran de la randonnée fatale du duo Redford/Dafoe est proportionnel à celui de l’enquête de Mirren/Craven, les actions ne coïncident presque jamais et leurs résolutions respectives affichent un maladroit décalage de quelques jours.


S’inscrivant aisément dans la lignée des récents The Deep End et Lantana, où une menace devenait prétexte à remuer quelques errances conjugales, The Clearing propose cette fois une ballade toute en réserves : l’intrigue est accessoire et la mise en scène recoupe le tout avec force gros plans sur les rides de Redford, le regard de Mirren ou la mâchoire de Dafoe, suggérant globalement une vulnérabilité détachée dont on aurait souhaité plus de désarroi, sinon de caractère.


Le réel charme de cette entreprise provient surtout de la photographie du vétéran français Denis Lenoir, un complice de Bertrand Tavernier et Olivier Assayas, qui a su opposer les contrastes émotionnels de la splendeur sauvage des Smokey Mountains aux banlieues cliniquement cossues de Pittsburgh. The Clearing fait donc la preuve par quatre que le talent qu’ont les producteurs à s’entourer convenablement ne peut combler l’absence d’une direction d’acteurs affirmée, et que l’imprudence rapporte toujours plus qu’un zèle de retenue.


© 2007 Charles-Stéphane Roy