jeudi 10 mai 2007

Critique "The Shipping News"

The Shipping News
de Lasse Halström

2001

Paru dans la revue Séquences


Le cinéaste d’origine suédoise Lasse Halström fut remarqué par Hollywood pour sa maîtrise d’un genre particulièrement « oscarisable », à savoir le grand drame populaire. Cet humble artisan, doué sans être foncièrement original, peine à conjurer le convenu vernis de ses compositions. Avec en poche l’adaptation du roman certifié Pullitzer « The Shipping News » de E. Annie Proulx, Hallström accomplit une besogne soignée aux allures de feuilleton Hallmark, galvaudé par de boîteuses connivences psychologiques et un sens de la répartie dramatique faussement complexe. Sans dénigrer l’adéquation efficace entre l’impeccable photographie et la fluidité du montage de ce film ISO 9000, la méthode Hallström mériterait toutefois révision.


Au coeur du récit se profile d’intéressantes pistes de réflexion sur l’affirmation de soi, le baume de l’enfance et l’enracinement, soit autant de thèmes récurrents chez le cinéaste. Quoyle, un veuf sans réelle personnalité, va repenser son existence dans un village côtier de Terre-Neuve, patrie de ses ancêtres. Entouré d’une fillette introvertie et d’une tante aux desseins mystérieux, il se déniche un emploi de reporter pour le journal local et fréquente Wavey, qui partage avec lui les épreuves de la vie monoparentale.


Les articles que rédige Quoyle au sujet de la communauté aiguilleront éventuellement son émancipation personnelle tout en déclenchant chez ses proches une introspection en chaîne. Cette onde de choc pousse incidemment plusieurs personnages à une marée de confessions, sabordant ainsi les substantielles interrelations patiemment tissées jusque là.


Le film ne parvient pas en ce sens à atteindre son plein potentiel dramatique alors que plusieurs intrigues secondaires pertinentes sont précipitées lors du dernier tiers au profit d’une résolution conflictuelle systématique, d’autant plus que subsiste un étonnant contraste entre les performances naturelles des personnages secondaires, admirablement repêchés, et les prestations maniérées des trois têtes d’affiches, visiblement mal à l’aise dans ces exigeants contre-emplois. Remisez les filets: les Oscars resteront au large cette saison.


© 2007 Charles-Stéphane Roy