jeudi 10 mai 2007

Critique "The Five Senses"

The Five Senses
de Jeremy Podeswa
1999
Paru dans Séquences


À en juger par la récente production canadienne-anglaise, un constat s’impose derechef: Toronto abrite une macédoine de «distingués désaxés». Des illuminés du Last Night de Don McKellar aux nymphomanes du Crash de David Cronenberg sans oublier les mythomanes de I Love A Man In Uniform de David Wellington, la métropole ontarienne doit effectivement sembler un paradis pour les psychologues. Les cinq personnages principaux du Five Senses de Jeremy Podeswa - hors compétition à Cannes - n’y font pas exception....


La disparition d’une fillette sert de pivot à ce récit tentaculaire qui s’avère un périple regroupant les divers occupants d’un cossu immeuble de la Ville Reine. Cette dynamique singulière permet de capter l’essence des personnages qui, bien qu’étant voisins, demeurent isolés ou ne privilégient que peu de contacts sociaux, obstrués par leur pudeur et leur insécurité personnelles. Pourtant, quelques liens troublants parviennent difficilement à naître entre ceux-ci: Philippe (Philippe Volter), un ophtalmologiste qui, appréhendant une surdité complète, tente une dernière fois de répertorier quelques sons avec l’aide d’une prostituée; Ruth (Gabrielle Rose), une massothérapeute n’assumant plus de contacts avec sa fille Rachel (Nadia Litz), une mésadaptée sociale qui se tourne vers le voyeurisme; Rona (Mary-Louise Parker), une décoratrice de gâteaux immangeables malheureuse avec son flirt Roberto (Marco Leonardi), un cuisinier italien qui ne maîtrise pas la langue locale; puis Robert, un concierge bisexuel revisitant les parfums de ses partenaires afin d’y renifler l’arôme ultime de l’amour.


The Five Senses relève un ludique et audacieux pari, celui de révéler progressivement ses personnages par un dévoilement de leur quête du bonheur sensoriel. Pari à demi réussi, car ce second film de Powedsa (après le tiède Eclipse) ne parvient jamais à transcender sa mécanique savamment calculée, où chaque situation, à l’image des personnages, demeure isolée d’un schème général inachevé. Il devient alors difficile d’adhérer à cette entreprise sur les sens dénuée de sens propre.


© 2007 Charles-Stéphane Roy