jeudi 10 mai 2007

Critique "Festival in Cannes"

Festival in Canness
de Henry Jaglom
2002
Paru dans la revue Séquences


Film en conserve


La première question qui traverse l’esprit après le visionnement de Festival in Cannes — si la chose vous intéresse — n’est ni au sujet de la vraisemblance des situations, ni de la pertinence des protagonistes, et encore moins à propos du vedettariat, mais plutôt: à qui ce film s’adresse-t-il ?


Alors que ceux qui fréquentent le rendez-vous cannois souriront ici et là, le commun des mortels retrouvera quelques clichés solidement implantés via la télévision, déçu toutefois de n’avoir pu déceler sous l’aura de cette manifestation mythique quelque fait surprenant. Henry Jaglom, l’auteur d’une quinzaine de longs métrages plutôt discrets qui naguère travailla sur le Easy Rider de Dennis Hopper, élabore ici une fresque schématique afin de pointer sa caméra bien sage sur une faune qui ne l’est surtout pas: les marchands du septième art.


Mais il demeure difficile — pensez au Altman de Ready-To-Wear ou au Arcand de Stardom — de traiter de la superficialité sans tomber dans ses manifestations les plus laborieusement futiles. Parler de Cannes sans les films, c’est comme assister uniquement aux séances d’essai de Michael Schumacher: ce n’est qu’une partie de l’équation — et encore la moins palpitante.


Vedettes et modeleurs de vedettes se relaient donc derrière les feux de la rampe afin de mettre la main et la plume sur de lucratifs contrats. C’est bien connu, ces dix journées de marathon du téléphone cellulaire influenceront pendant les onze mois suivants la donne mondiale du divertissement non-américain, si bien qu’au jeu de la spéculation, tous les coups sont permis. Ça, on le savait déjà.


Pendant ce temps, de voraces requins reluquent les dauphins du box-office tous ongles sortis: on n’hésite pas à briser des coeurs, des carrières ou des égos pour parvenir à ses fins. Ça aussi, on s’en doutait. Ce qu’on redoutait par contre, c’est l’absence de surprise, de charme ou de substance. Là, on est plutôt servi. Pendant ces onze jours, les cinéastes se prennent ainsi pour des hommes d’affaires, et les hommes d’affaires se sentent l’âme d’artiste. Et nous, on s’en tape.


© 2007 Charles-Stéphane Roy